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Dans sa prière quotidienne, le Juif demande différents bienfaits ne semblant pas, apparemment dépendre de sa seule volonté. Parmi ces bienfaits sollicités figure la protection contre le aïn hara ou « mauvais œil. » De quoi s’agit-il ? Certainement pas de magies ou de carences apparentées. Alors, comment comprendre pareille supplique ? Pour introduire notre sujet disons qu’ « éviter le mauvais œil » c’est d’abord empêcher la « mauvaise impression. » Et, pour aller au-delà, en cernant une définition, plutôt rapprochée de l’ésotérisme, le « mauvais œil » serait le constat du « flagrant délit d’injustice »  dont l’œil prendrait  acte, suite aux imprudences de celui qui en est l’objet. Considérer le aïn hara, c’est affirmer la prééminence de la prévention sur la sanction.


Le mauvais oeil échappe à l’argumentaire. Il souffre de ce qu’il voit et l’objet de la vision devient plainte qui, initiée par « ce » qui est vu et non par ce qui est « raisonné » devient une sorte de requête pour « comparution immédiate ». Il y a des prières que le C.iel entend et d’autres qui se perdent…Et, parmi celles qui sont reçues, celles transmises par une « mauvaise disposition » seraient agrées !!! Est introduite ici une donnée qui n’est pas aussi irrationnelle qu’il apparaît. Quand bien même, l’objet de la convoitise, de l’envie,  concernerait un bien acquis légitimement, de nature matérielle ou spirituelle,  dont la possession s’inscrirait dans un processus fondé en droit, son détenteur doit veiller à ce que le mérite inhérent à ce bienfait ne puisse être isolé ou méconnu.



Aussi, est-il suggéré d’éviter le  regard tourmenté  qui peut entraîner une « décision de justice,  » s’appuyant non sur la légitimité  de la possession mais sur la souffrance que sa présentation sans préliminaires entraîne. Ce regard est « mauvais » parce que dichotomique et partial mais si, de plus, il occasionne  une souffrance, il interpelle, quand bien même sa finalité s’inscrit dans le bien. Et ce risque ne peut être évité que par la pratique de la discrétion.


Les grands auteurs ne sont pas prolixes sur le sujet. D’autres traditions religieuses, comme l’Islam détiennent aussi un rituel à ce sujet.  Cette brève étude s’inspire de l’enseignement de Régine Lehmannn (zal)Si voir c’est seulement regarder, avec plus ou moins d’acuité, le sens du « mauvais œil » tel que sous-entendu dans la culture juive nous échappera. Une légère toilette spirituelle ou mentale devra être le préalable nécessaire. Voir pour le regard Juif, c’est d’abord prendre de façon partielle ou totale sans que la volonté de voir soit interpellée. En marchant, je vois un arbre en fleurs, l’image est en moi, m’appartient, sans que l’accord du propriétaire de l’arbre n’ait été sollicité. Dans ce sens, nous possédons un capital non négligeable d’images ravies sans l’accord des ayant droits. La possession de ces images n’est pas toujours préjudiciable en n’entraîne pas les conséquences, parfois funestes du aïn hara.


Le « mauvais œil » serait le regard qui s’approprie comme nous venons de le voir, mais qui irait plus loin que la simple vision, parce que l’individu concerné y ajouterait le jugement. C’est un regard qui ne prendrait pas en compte les efforts (ou la chance !) de celui ou celle qui en serait le bénéficiaire. Ce regard jugeant engloberait la « chose possédée » et poserait la redoutable question de la légitimité de la propriété. Ainsi le regard avouerait la volonté d’appropriation de ce qui est vu avec l’aveu que cette possession serait positive et utile si elle …changeait de mains.



Dès lors qu’un tel regard est posé sur ce qui nous appartient se met en marche selon certains « auteurs » un mécanisme de vérification, visant à déterminer la légitimité de l’acquis. Cet acquis peut être le dernier modèle d’un constructeur de voitures prestigieuses mais cela peut être aussi une qualité de l’esprit, un don inné, bref un bien relevant de l’esprit ou de la matière. Et, parfois, cet avoir contesté pourrait être une possession simple et commune, comme le fait de marcher, d’utiliser ses mains etc….Evoluer dans un hôpital d’incurables, en ne plaçant pas les bienfaits dont on dispose au service de ceux qui en sont privés, c’est s’exposer au « mauvais œil. »


Mais,  cet œil est « bon » puisqu’il va déclencher une procédure vérificatrice. Et bien non ! Pour nos Maîtres, cet œil est « mauvais » car il est partiel et donc partial.  Il ne prend en compte qu’une vérité fractionnée, tout comme la victime du « mauvais œil » ne prendra pas garde en présentant au regard d’autrui ce qu’elle a, ce qu’elle possède sans considération de l’état des moyens, au sens le plus général de celui qui voit.


Loin d’être l’ illustration d’une conception magique, « se protéger du mauvais œil » c’est savoir prendre la mesure des sentiments que nous inspirons, c’est mettre en avant que la jalousie est un des premiers sentiments que l’homme éprouve pour son prochain et susciter l’envie, c’est inviter autrui à réclamer justice. Et les Juifs ont toujours su et voulu éviter de déranger le trône de justice…


En nous invitant chaque jour à prier pour être protégé du « mauvais œil », le texte sacré nous invite d’abord à la prudence qui nous empêchera d’oublier que l’objet premier du regard est souvent comparaison. Cette évidence prise au sérieux « le mauvais œil » deviendra reconnaissance et gratitude.

Une Réponse à “Le « mauvais œil » dans la culture juive traditionnelle.”

  1. BELAÏDI SAKRI dit :

    SHEMA ISRAEL, J AIME ISRAEL MON DIEU DE TOUTE MON AME, MON
    COEUR ET INTELLIGENCE… JE JURE FIDELITE ETERNELLE, AMEN.

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