Arnold Lagémi

Je vais énoncer quelques doctrines qui,  restant théoriques ou ayant tenté le pari de l’expérimentation, se sont prononcées pour le maintien logistique de la haine du Juif. Tout d’abord, quelques évidences. Une doctrine sociale, politique ou religieuse ne peut s’analyser de façon crédible,  isolée de la matrice doctrinale qui l’a enfantée. Par exemple, que le marxisme ait vu le jour au sein de la civilisation Occidentale, n’est pas gratuit. Qu’à la conception chrétienne dominante ait succédé, une culture qui édifia un homme sans référence religieuse, était dans l’ordre du prévisible, voire de l’inévitable.

Ainsi,  au Christianisme, conçu comme le remplaçant du « Judaïsme  aboli » qui imposa durant presque deux mille ans, une ségrégation anti judaïque,  que l’historien Jules Isaac a résumé par la fameuse formule, « l’enseignement du mépris. » succèderont  diverses doctrines qui du marxisme, au libéralisme ; du positivisme d’Auguste Comte à la réaction Catholique ; de l’illusoire ambition égalitaire de 1789 à l’insolence de la haute bourgeoisie, se singulariseront toutes par un fond commun de haine anti juive.

Nous observons que l’antisémitisme n’est donc pas apparu avec Pétain et le « statut des Juifs. » Il traverse l’histoire avec une facilité qui lui est propre. Il pactise avec tous et tous se reconnaissent en lui.  Il est d’une vieille souche d’abord religieuse, agnostique ensuite. Il se nourrira, de la même accusation, inversant les rôles quand nécessaire. Ainsi, les tenants de l’Ancien Régime accuseront les Juifs d’avoir favorisé la Révolution de 1789 et permis l’avènement du marxisme, ennemi de l’Eglise. Et les fidèles d’un marxisme radical rendront les Juifs responsables de déviance libérale.

Et cette continuité irréductible se retrouvera dans la littérature qui,  de Zola (oui, Zola !) à Victor Hugo, de Daudet à Déroulède, identifia le Juif comme « ennemi national ». Cette haine explosera avec l’Affaire Dreyfus et la Révolution nationale de Pétain, confirmant que cette  singularité haineuse, n’ayant épargné  aucun projet, social ou politique, quelque fût le temps où il se manifesta,  il n’est pas excessif d’estimer que la « haine du Juif »  peut être aussi une donnée patrimoniale.

Quant à la haine épidermique, elle est plus corrosive que la doctrinale. Cette dernière interpelle le raisonnement, la culture et, par conséquent, peut être modifiée par des armes de même nature. Tandis que « l’épidermique, » ne s’encombre pas de réflexion. Elle est née dans l’environnement, a été happée par des opportunités personnelles. La jalousie est souvent la mauvaise fée ayant occasionné sa naissance. Dans les cas les plus tragique ou désespérée, elle est irrationnelle.

Un anti juif de l’espèce, présentant les symptômes de cette pathologie épidermique,  m’a dit un jour. « On ne devient pas  antisémite. On l’est depuis toujours. » On l’aura compris. Ceux qui motivent leur haine  par de tels arguments sont les plus dangereux.

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