Parmi les antisionistes qui ne furent pas antisémites, de Gaulle tient une des premières places. Et la grandeur étant, par définition, le privilège de l’élite, bien rares sont ceux qui peuvent attester que leur négation de la légitimité nationale juive ne saurait impliquer une critique de l’identité, premier pas consacré, pouvant conduire aux connotations de type raciste.
La relation qu’entretient l’Europe avec les Juifs, et avec l’Etat Hébreu, relève, sauf pour les naïfs ou les mal pensants, d’une origine culturelle et religieuse commune, qui ne saurait se soustraire à notre interpellation à ce sujet. C’est la France issue de 1789, qui lui donna corps la première,
réincorporant avec malice, une des bases de la problématique chrétienne anti-judaïque, qu’elle reprenait à son compte, mais la laïcisant de telle façon, qu’elle apparut novatrice, alors qu’elle s’inscrivait dans la continuité d’une vision traditionnelle de la relation judéo chrétienne.
Ce fut le duc de Clermont Tonnerre, qui eut le « privilège » de redonner vie à l’antique et terrifiante panique du Retour de la Nation juive : « Tout aux Juifs, en tant qu’individus, rien aux Juifs, en tant que Nation. » Cette proclamation d’un antisionisme précoce, oblige à prendre acte que la France qui proclama la République laïque,
n’empêcha pas l’importation d’une vision chrétienne de l’histoire juive, opposée par principe, et nécessité théologique au retour d’Israël en terre judéenne,
ainsi qu’en attesteront les réactions vaticanes aux « dangereuses » ambitions du sionisme politique. L’antisionisme n’est donc pas né avec l’Etat d’Israël. Il apparut dès lors que commença l’exil provoqué par l’invasion romaine, sous tendu par la volonté juive d’y mettre fin.
La proclamation de Clermont Tonnerre, si elle prépare l’Emancipation, et, par conséquent échappe à la suspicion d’antisémitisme, ne peut dissimuler, dès 1789, que l’Emancipation des Juifs de France, tout en restant, sur le plan individuel, une promotion indéniable, anticipera, par l’envers du décor, l’absence de reconnaissance des origines historiques de l’Exil, condamnant et, par avance, toute tentative d’y mettre fin.
Le point de vue de Clermont Tonnerre engage la République, parce que son auteur, mandaté par le peuple, n’a pas à ce jour était désavoué. Ainsi prend date une attitude singulière à l’égard des Juifs. Leur citoyenneté n’est reconnue avec les droits qui s’y rattachent que, dans la mesure, où ils renoncent à faire revivre la Nation Juive. Il y a donc motif à s’étonner de la surprise manifestée aux diverses formes que prend l’antisionisme aujourd’hui.
Celui-ci inauguré par les conclusions de Clermont Tonnerre, annonçait son retour inéluctable, dès lors que les Juifs renoueraient avec la volonté de poursuivre leur vocation nationale.
La politique pro-arabe de la France étant, à l’évidence moins l’aveu d’un intérêt pour la « Nation Arabe, » qu’une réaction à cette allergie pour la « chose juive, surtout quand celle-ci prend l’aspect du désir de Renaissance, pourrait être tentée par une alliance qui transformerait l’allergie en complicité dont l’objectif incarnerait dans l’histoire, les funestes conséquences de la peur dont la Chrétienté n’arrive pas à se défaire depuis les premières mesures anti juives prises par l’empereur Constantin et qui visaient à « neutraliser » la volonté juive de résurrection nationale.
Il n’y a pas de doute, cependant que l’investigation menée suite à l’affirmation de Clermont Tonnerre, évitera difficilement de préciser que les motifs fondateurs renvoient aux causes religieuses ! Et quand bien même, on n’aurait jamais ouvert de livres d’histoire, on est assuré que cette proclamation prétend à une « connaissance » ancienne des Juifs. « Rien aux Juifs, en tant que Nation » indique que c’est sur une base « connue » que « Rien ne doit être consenti aux Juifs, en tant que Nation ! » Que la Nation Juive serait porteuse d’un danger qui ne concernerait pas (le) Juif, ès qualité d’individu ! Comment ne pas évoquer « vous serez mamléhet cohanim » une Nation de prêtres ! Une Nation de Juges!
La République ayant remplacé les mocassins à boucle par des Nike et le maquillage pour les hommes par une cosmétique de substitution, donne aux naïfs et aux ignorants la certitude d’un chamboulement généré par la « Nuit du 4 Août » qui a, certes aboli les Privilèges, mais que des hommes de pouvoir, en « reconnaissant » la Palestine, par exemple, confirment, cependant, par la vitrine des mensonges consacrés, laissée entrouverte, que des emprunts illicites au bénéfice de l’injustice ont lieu toujours, sous le regard haineux d’une Bastille, à leurs yeux jamais détruite!
Sauvegarder le Juif en condamnant la Nation, n’est-ce pas, encourager par « l’intégration », c’est à dire » par « l’assimilation, » la disparition du reliquat juif qui subsisterait?
On ne peut etre plus clair une fois explicitée la déclaration de Clermont-Tonnerre. Un champ de mines en France et en Europe se dévoile effectivement à present que les Juifs ss’efforcent de vivre dans leur Etat en toute souveraineté. La question de la ‘double allégeance » permise diplomatiquement au Quai d’Orsay percue avec enthousiasme pour des non juifs prend un caractere suspect pour les juifs qui veulent embrasser la carriere diplomatique.
Le conflit ne peut que s’aggraver pour les Juifs de France qui au fond ont senti 0 travers l’accusation facile et calomnieuse de communautarisme la résurgence d’un antisémitisme conscient ou inconscient de la part des Français et des Européens désireux de les placer devant l’alternative : »se soumettre ou se démettre (en partant). C’est ce qui est arrivé en Suède, en Norvége, petits laboratoires du devenir des Juifs.
Merci pour ces commentaires sans nuance qui complètent ma réflexion.
כל הכבוד, Kol Hakavod, une analyse percutante!
Merci de votre appréciation. Bien cordial chalom
Merci pour ce texte. Je n’ai pas un mot à y ajouter. Une petite erreur (sans importance) cependant, le Clermont-Tonnerre en question était comte et non pas duc. La déclaration que vous rapportez me préoccupe depuis longtemps, et d’autant plus que l’homme en question est un parent par alliance. Cette déclaration constitua probablement une avancée alors ; elle n’est plus suffisante, elle est devenue dramatiquement insuffisante et se révèle même vicieuse. Il ne s’agit pas d’incriminer un défunt mais il n’est plus possible de s’accrocher à cette dangereuse ambivalence.
Pardonnez moi d’avoir fait d’un Comte, un Duc ! Peut être, qu’inconsciemment, Clermont Tonnerre étant pour moi au sommet de la conception française de la laïcité, il justifiait du titre le plus haut. Il n’en demeure, pas moins, que j’ai fait une erreur. Merci de l’avoir corrigée! Bien cordial Chalom!