HOMMAGE A REGINE LEHMANN (zal)
Notre temps est celui du dévoilement. Je crois que l’anecdote qui va suivre entre, très précisément, dans ce cadre, dans la mesure, où elle éclaire de manière originale et singulière, le sens de la vocation juive. Elle fut racontée publiquement par Régine Lehmann (zal) enseignante, proche de Manitou qui, en dépit de la certitude que « nul n’est irremplaçable » est partie, sans qu’aucune femme à ce jour et à ma connaissance, ne témoigne pour le message d’Israël, autant de grandeur d’âme et de noblesse.
Pendant l’Occupation, Régine appartenait à une organisation qui, en relation, avec des structures non juives organisait en zone libre le sauvetage d’enfants Juifs. Peu importe, les appellations, l’essentiel est ailleurs. Les temps étaient très difficiles. La Gestapo et la police française étaient partout. Les risques que prenaient les non-Juifs en accueillant des enfants Juifs relevaient d’un courage inouï, que l’ennemi payait par une balle dans la tête ou la pendaison. Régine était en relation avec une femme, Chrétienne très engagée, mais d’une simplicité telle que le rapprochement judéo chrétien ne s’était jamais accompagné de discussion, mais visait un seul but : sauver des enfants Juifs, les cacher ou les faire sortir de France.
Cette femme qui ignorait l’orthodoxie de Régine ne savait rien des interdits alimentaires Juifs. Aussi, France (c’est le pseudo par lequel nous désignerons cette femme) ne vit aucun problème à inviter Régine à déjeuner, les deux femmes devant se rencontrer pour régler les détails d’un passage d’enfants que France cachait dans sa grande maison.
Laissons parler Régine : « Je savais, je sentais que je devais accepter mais je savais aussi qu’il me faudrait surmonter une épreuve. » Le jour de l’invitation arriva et France accueillant Régine lui dit, heureuse, souriante et fière : « ça n’a pas été facile avec le rationnement, mais au marché noir, on trouve de tout. » Déjà, dès la porte ouverte, Régine fut accueillie par un fumet « d’avant la téchouva » (repentir) un fumet qui ne s’accompagnait d’aucun doute. France avait préparé un civet de lapin !
« Du plus profond de mon être, jaillit la certitude que je devrai composer avec la Loi. Se procurer un lapin en cette période était déjà un exploit, mais là n’était pas le plus important. Cette femme ne comprendrait pas, en ces temps de privations le maintien d’interdits. Par ailleurs, je percevais que, face à cette femme et à son action en faveur de nos enfants, le « temps du refus » sonnerait mal. Elle devait savoir, que son action était immense à nos yeux à un point tel que, par reconnaissance, nous, moi en l’occurrence, j’étais prête, à m’éloigner du sacré pour me rapprocher d’elle. Elle nous avait tant donnés que je voulais qu’elle sache que, j’étais prête, par amour, à prendre sur moi une part de touma (souillure). Je mangeais donc, l’âme meurtrie, la bouche débordant de nausée. A la deuxième bouchée, je me levais précipitamment pour aller rendre.
Deux jours plus tard, je rencontrais France, les yeux pleins de larmes. « Régine, pardonnez-moi, je ne savais pas. Comme cela a dû vous coûter. Et vous avez fait ça pour moi ! Quelle leçon ! » France savait que les Juifs étaient capables d’aimer jusqu’au sacrifice. C’était mon message pour elle et l’avait reçu ».
Mon Maître, me dit quelques années plus tard, que parfois, il faut savoir honorer l’homme plus que D.ieu. Et quand je pense à cet incident, je me dis que le prophète Elie aurait eu le courage, lui, d’aller jusqu’à la cinquième ou sixième bouchée ! Savoir parfois mettre la Loi entre parenthèses, c’est lui accorder la première place !
Dans un temps où l’on oublie que la Loi est pour l’homme et non l’inverse, cette anecdote du temps du malheur remet chaque chose à sa place.
Très belle histoire. Beaucoup d’enseignements. Merci Mr Lagémi.
Je ne l’ai pas précisé mais cette histoire ayant été racontée (publiquement) par l’auteur que j’ai connue de longues années durant, les faits relatés ne peuvent être mis en doute.
Un lecteur, une lectrice auraient, peut être des détails supplémentaires à nous fournir.
Quoi qu’il en soit, merci Pierre d’y avoir trouvé quelques enseignements.
Pierre, mon prénom est Arnold!
Bien cordialement
Oui, c’est vraiment une histoire magnifique, soutenue par deux femmes d’exception !
VOUS AVEZ RAISON DE SOULIGNER QUE NOUS SOMMES ICI CONFRONTEES à deux femmes d’exception.
Merci d’être intervenu.