Arnold Lagémi

« L’affaire Dreyfus »  ne relève pas du passé,  mais du présent continu ! Parce que les conditions qui en permirent l’avènement, loin d’avoir été éradiquées, retrouvent force et vigueur.

Un  siècle environ,  après la Révolution Française et la Proclamation des Droits de l’Homme et du Citoyen, la France connut une scission telle avec l’affaire Dreyfus, que le bon sens nous invite à considérer la portée très limitée de l’impact révolutionnaire sur l’évolution des mentalités. En effet, 1789 ne put empêcher que la Troisième République  fût le cadre de la diabolique machination antidreyfusarde qui amena la séparation de la France en deux blocs irréductibles qui s’opposèrent avec une telle violence qu’une vingtaine de villes connurent des émeutes antisémites.

Cette troisième République dont l’antisémitisme démarra à grande vitesse avec l’affaire Dreyfus, vit la manifestation de la haine antisémite sous plusieurs angles avec,  notamment la naissance des ligues antiparlementaires  qui s’opposèrent par la violence au déroulement des manifestations démocratiques. L’intérêt pour  l’affaire Dreyfus  connut une accalmie au début du XXème siècle, mais l’on assista à la naissance de l’Action Française de Charles Maurras, anti républicain et royaliste qui sut réunir autour de lui des intellectuels de qualité et faire de l’antisémitisme « son cheval de bataille ».

Dans les années 1930, l’antisémitisme fut marqué par des manifestations contre les Judéo-bolchéviques, rendus responsables de la révolution d’Octobre.  Enfin la troisième République vit l’arrivée au pouvoir de Philippe Pétain dont l’antisémitisme fut d’une telle violence qu’il devança les exigences allemandes en demandant la déportation des…enfants !

On remarquera que « l’affaire Dreyfus » va permettre que se catalysent  autour d’elle,  tous les courants antisémites et anti judaïques en donnant à ceux-ci un droit d’expression dont ils auraient été privés si l’affaire n’en eût pas fourni le prétexte.

Aujourd’hui certains s’évertuent à présenter le danger du fondamentalisme islamique comme le seul danger menaçant les Juifs de France, ne voulant pas ou ne sachant pas admettre que cette France,  républicaine, en surface, qui importa au sein même des familles la division entre dreyfusards et antidreyfusards, cette France de la fin du XIXème siècle qui connut un développement exceptionnel des publications antisémites, où le journal « La Croix » en 189O se définissait comme le journal catholique « le plus anti juif » de France, cette France juive, d’Edouard Drumont, avec son journal « La libre parole », cette France de la Cagoule, groupe terroriste anti communiste et antisémite que finança Eugène Schueller, fondateur de l’Oréal, cette France où Céline put publier cette horreur antijuive, Bagatelles pour un massacre, cette moitié de France qui afficha sa « haine du Juif Dreyfus » etc…etc…

Cette France de Pétain, de Laval et de toute la clique antisémite, n’a disparu que pour les naïfs.  Elle  jette en pâture aux ingénus et aux ignorants, quelques « voiles islamiques » espérant qu’ainsi, ils ne distingueront pas les dangers  réels.

L’Etat d’Israël est vis-à-vis des Nations ce qu’était Dreyfus au regard du peuple français et de l’armée, le traître Juif qu’il faut abattre. Toutes les conditions requises à la naissance d’une « autre affaire » sont présentes. Les insultes ignobles dont le CRIF est victime depuis quelques mois semblent le désigner pour être « un nouveau Dreyfus. »

Qui osera ?

NB/ Même dans la réhabilitation de Dreyfus qui, de Capitaine passe à Commandant  avec Légion d’Honneur en sus, on sent que réserves et hypothèques ne sont pas levées avec enthousiasme. Son grade était prévisible après quatre ans de service (pas de bagne!) et la Légion d’honneur n’est qu’un hochet pour reprendre le mot fameux de Napoléon son créateur….

Il restait à imaginer un signe magnanime à la hauteur de l’offense ! La France n’a pas su !