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  Dans ma dernière réflexion sur Pierre Boutang je n’avais voulu retenir que le cheminement qui le conduisit au sionisme. Je complète aujourd’hui cette vision qui, en l’état, reste à la limite de la caricature, tant  cette œuvre fut immense et d’une polyvalence-t-elle, que Pierre Boutang pouvait, entre autres et,  avec la même aisance,   commenter Shakespeare dans le texte ou poursuivre dans l’original, tel dialogue de Platon !

Quand bien même la réflexion politique et la critique littéraire viennent soutenir la conception d’ensemble par un apport qui fait toujours référence, c’est en philosophie que Pierre Boutang acquit les quartiers de noblesse qu’il conservera, sa vie durant.

 Quelques éléments biographiques avant l’immersion dans l’univers de Pierre Boutang.

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Normalien et agrégé de philosophie, journaliste et essayiste chrétien proche de l’Action française avant-guerre puis du général de Gaulle, Pierre Boutang (1916-1998) a terminé sa carrière professeur de métaphysique à la Sorbonne. Il est l’auteur d’une œuvre prolifique, qui compte des traductions de Platon, des commentaires des plus grands auteurs de la littérature mondiale (Shakespeare) et des ouvrages philosophiques, dont Ontologie du secret est sans doute le plus abouti.

LE PHILOSOPHE

 

Nous commencerons donc par ce qui fut sa thèse de philosophie « Ontologie du secret » présentée en 1972,  en ayant toujours à l’esprit, qu’Emmanuel Lévinas, qu’il remplaça pour l’enseignement de la métaphysique en Sorbonne, disait de Pierre Boutang qu’il « fut un maître. » Et, une telle reconnaissance venant de Lévinas, ce n’est pas rien !

« La langue et la pensée de Boutang sont si belles » que Gabriel Marcel, le grand philosophe de l’existentialisme chrétien, dira de l’Ontologie du secret,  que c’est “un ‘monument, et ceci de bien des manières : par la richesse de l’analyse, par la profondeur de la méditation, et surtout par quelque chose d’autonome qui est exceptionnel”.

 George Steiner à son tour, à qui Boutang sera lié par une amitié d’étoiles, n’hésita pas à placer ce texte magnifique à côté des dialogues de Platon. » (J.-F. Mattéi, « Préface »). Steiner dira aussi que « l’ontologie du secret  compte parmi les plus grands textes philosophiques du siècle. »

Laissons parler Boutang :

« Je décris et termine ici une longue enquête, conduite inégalement, mais jamais délaissée depuis le seuil de l’âge d’homme : sur l’être tel qu’il se cache et se montre dans le secret. […] La diversité des secrets, leur contour matériel, ni l’intention de leur forme, ne se trouvent hors de notre souci leur parcours — tantôt tenace, tantôt distrait, car il n’est pas sûr qu’ils se livrent ou se prêtent mieux à la réflexion la plus intense et la plus avare — fut la règle même du voyage, imposant son rythme. »

La démonstration est patente. La fulgurance du penseur, lorsqu’elle échappe aux définitions est un signe de distinction et d’exception.

LE POLITIQUE

 

Dès 1937, il donne des conférences à l’Institut d’Action Française et, en  1939, Maurras lui confie la « Revue de la presse » du journal. C’est au mois d’octobre 1941 qu’il part au Maroc et de là à Alger où il entretient de  nombreux contacts avec des monarchistes ou des républicains  monarchisants autour du général Giraud, ce qui lui vaudra, en 1945, à  l’instigation de René Capitant, ministre de l’Education nationale du général De Gaulle d’être exclu de l’enseignement public et interdit  d’enseignement (cette mesure ne sera rapportée qu’en 1967). Comme on  le sait, Maurras, prisonnier jusqu’à la grâce médicale qui lui fut accordée  quelques mois avant sa mort, le considéra comme son principal continuateur. Boutang est alors responsable de « la Politique » d’Aspects  de la France qu’il quittera en 1955 pour fonder, avec Michel Vivier  la Nation Française qui parut jusqu’en 1967 et à laquelle collaboreront   Roland Laudenbach, Philippe Ariès, Pierre Andreu, Jules Monnerot, Raoul   Girardet, Daniel Halévy, Gustave Thibon, Jean Brune, hamine, Roger  Nimier, Volkoff, Georges Laffly, Gabriel Matzneff, etc.

Cherchant à rénover le royalisme, (sur lequel nous reviendrons plus bas) à  en articuler le message avec le christianisme, il fonde avec son ami Michel Vivier l’hebdomadaire La Nation française en 1955, où signent notamment les Hussards, mais aussi Marcel Aymé, Gustave Thibon Armand Robin, etc.Il se veut « être à l’abri de Sartre » et des  entrepreneursen nihilisme ».  Tour à tour, et en fonction des événements, il va soutenir le général de Gaulle, le combattre, en insistant notamment sur le modèle monarchique sur lequel repose, selon lui, la Constitution de la Ve République. 

 La notion « d’homme providentiel » permettant,  de facto, au Chef de la  France Libre, sans mandat d’aucune sorte, de se rapprocher, bien  plus d’une conception monarchiste du pouvoir que d’une définition  Républicaine, était loin de déplaire à Pierre Boutang. 

Suite à des interventions diverses, notamment  d’Edmond Michelet  et  d’Alain Peyrefitte, Boutang est réintégré dans l’enseignement par le  général de Gaulle en 1967. Il est d’abord professeur de philosophie au  Lycée Turgot, puis devient maître de conféren s à l’Université de Brest en 1974. Malgré une cabale dont a parlé toute la presse, et où Boutang va recevoir  le soutien discret de  François Mitterand et celui de Madeleine Rebérioux,  il est nommé professeur de métaphysique à la Sorbonne, où il enseigne jusqu’en 1984, prolongeant ensuite son séminaire à son domicile de Saint-Germain-en-Laye jusqu’à la fin. Il mourut le 27 juin 1998.

LE ROYALISTE

C’est dans Reprendre le pouvoir (Sagittaire, 1978), que Boutang  réactualise et approfondit son approche de la notion de pouvoir et sa conception de la monarchie, notamment à partir d’un long article, intitulé « Court traité du pouvoir légitime à l’usage des Français d’aujourd’hui » (p. 75-112). Reprendre le pouvoir est essentiel sur la notion de légitimité,  concept-clef de la philosophie politique de Pierre Boutang. On pourra évidemment poursuivre par la lecture de son maître-livre sur Maurras, La destinée et ’œuvre (Plon, 1984, La Différence, 1993) : ou la rencontre  des deux plus grands philosophes politiques français du XXe siècle. Car  avant d’être une biographie de Maurras, il s’agit d’une lecture du maître par un cadet de même envergure. 
Enfin, il ne sera pas inutile de lire La Politique considérée comme   souci (Froissart, 1948), premier traité de philosophie politique écrit dans le contexte existentialiste de l’immédiat après-guerre. On y suit Boutang  dans sa découverte du souci politique par la notion paternelle d’autorité. Il y écrit des pages définitives sur ce paradoxe inhérent à la condition humaine : le fait pour l’homme de devoir vivre comme un « engagement  nécessaire et absolu » « cet événement contingent et relatif », qu’est  celui d’être né « dans une communauté qu’il n’a pas choisie », paradoxe  qui récuse l’internationalisme et fonde le nationalisme, sans faire de ce  dernier le dernier mot de l’aventure. 

CONCLUSION

On l’aura compris. Loin d’avoir le talent de mes ambitions, je ne suis pas parvenu, dans cette modeste étude à faire apparaître le poète et le critique littéraire, hors norme, que fut l’auteur de « l’ontologie du secret ». La synthèse eût été trop réductrice. Le lecteur s’en fera une idée par un effort d’imagination.

 Qu’il grimpe sur les hauteurs, là où la pensée est  assurée, « qu’il n’y a pas d’encombrement » comme  disait de Gaulle à Malraux (Les chênes qu’on abat.)

 C’est là, et là seulement, qu’avec un peu de chance et beaucoup de  discernement,  il y  rencontrera, Pierre Boutang, déclamant, sous le regard fasciné des grandeurs d’Occident !  

Sources /Références : Extraits :  PUF/ Les dossiers H Pierre Boutang  L’âge d’homme 2002/  SYLMpedia/ Action Française.

2 Réponses à “DE PLATON AU TRÔNE DE FRANCE, PIERRE BOUTANG, LE GENIAL TOUCHE A TOUT !”

  1. Dans un livre où il avait eu l’audace d’effectuer longtemps avant sa mort ici bas son Purgatoire, Pierre Boutang écrivait de son double, « Montalte » :
    « Son action sur l’époque aurait paru plus nette si seulement il avait accepté de prendre quelque retard, infime, sur son propre mouvement ».
    Boutang n’était pas un adepte de la démonstration lente, ni des regrets, et parvenus quarante ans après à ce cafouillage politique monstre de l’héritage gaullien, il est peut-être permis de rattraper le « retard » de 1967 et de prêter un peu mieux attention désormais à ces textes « tirés des poubelles de l’histoire », mais plus « neufs ce matin que notre journal d’hier »…
    Les provinciales vous annoncent la parution de leur nouveau livre :

    La Guerre de six jours
    de Pierre Boutang

    Le 1er juin 1967, à la veille de la guerre des Six-Jours, le philosophe catholique Pierre Boutang signait un article stupéfiant. Jean Birnbaum, Le Monde

    « La couronne du Saint Empire portait l’effigie de David et celle de Salomon, la politique de nos rois en France – avant Bossuet, de l’aveu même de Machiavel – était « tirée de l’écriture sainte », et les nations, jusque dans l’hérésie jacobine et révolutionnaire, imitaient un dialogue immortel entre la naissance et l’obéissance au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. L’échec final de la Chrétienté en Europe, et de sa « mission » sur les autres continents, rendant apparemment vaine la diaspora, la dispersion du peuple juif, permettant à de modernes empires de prétendre que la croix elle-même avait été vaine, restituait nécessairement aux Juifs leur charge originelle, l’idée de cette charge, transformée par l’aventure de vingt siècles (…)! Je crois que Jérusalem ne peut qu’être confiée à la garde de l’État et du soldat juifs. »

    Pierre Boutang, La Nation Française, 1967.
    Présentation en ligne

    http://www.lesprovinciales.fr/La-Guerre-de-six-Jours.html

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