Je me surprenais en visionnant quelques reportages sur la flottille de Gaza à éprouver simultanément deux impressions aux aspects sensiblement contradictoires. D’abord, la violence brutale qui inspire la volonté aux passagers de cette « croisière du ridicule » de tenter de forcer un blocus militaire, en dépit de la prétention affichée d’être une croisière de la paix, plus qu’une croisade antisioniste !
Les « voies de fait » ne sont-elles pas manifestations de violence ? Aussi lorsque certains passagers soutiennent qu’ils ont effectué ce périple sans arme, ignorent-ils que forcer un blocus établi par une armée régulière constitue un acte délibéré d’agression unilatérale, équivalant à la possession d’armes. Qu’est-ce qu’une arme, sinon, entre autres, un moyen de convaincre par la contrainte ?
Le deuxième aspect de l’impression ressentie est proche de la réaction éprouvée après l’ingestion d’un cocktail où la dérision côtoierait le ridicule dans la promiscuité avec la stupidité et la médiocrité.
Ils en sont donc là les défenseurs de la cause arabe ? Ont-ils oublié de qui ils sont fils ? Ils sont le fruit de générations qui placèrent le débat contradictoire comme source première de la tolérance, de l’esprit critique, et de l’enrichissement de l’esprit, s’obligeant souvent à la recherche d’affrontements avec des avis divergents, histoire d’en découdre par argumentations interposées.
Depuis quelques années, on connaissait la dégradation de l’esprit critique français, la déliquescence de la dérision, opposée souvent comme arme suprême, quand le débat tournait à l’avantage du contradicteur. Ces fils de Montesquieu, de Diderot, d’Alembert, qui placèrent le débat comme source première d’enrichissement authentique, que font-ils pour suivre les traces de leurs fameux et glorieux aïeux ?
Ils rangent les livres sur lesquels leur réputation à la controverse se fondait et se revêtent d’une… brassière de sauvetage au cas où… Ils n’ont plus rien à dire, parce que leur soutien à Gaza n’interpelle plus tellement la raison que leurs pères adulaient. Leur ressentiment anti sioniste, reste-t-il le reliquat honteux d’un mal plus pernicieux et proche de la superstition que leurs illustres ancêtres abhorraient, parce que l’irrationnel reste toujours le géniteur des maux les plus honteux ?
Assurément une « flottille pour Gaza » reste la croisière du ridicule et de l’obscurantisme. C’est avec peine qu’on y discernera le, ce sur quoi, la grandeur de l’esprit critique, français à l’origine, y avait trouvé matière à y asseoir son aristocratie, sa délicatesse et son originalité.