L’ambiguité s’attache aux engagements politiques d’Albert Camus à tel point que, le panache flamboyant qui parcourt son œuvre ne parvient pas à éviter les nuances et les ombres qui zèbrent ses positions, d’hésitations ou d’atermoiements. Je ne retiendrai aujourd’hui que sa conception du sionisme, plus affective que militante, plus exhortative que politique, qui l’amena à soutenir l’édification de l’Etat Juif pour des raisons morales bien plus que nationales.
Albert Camus fut donc moins admiratif du Renouveau National de Herzl qu’il ne fut sensible à la détresse d’un peuple meurtri par la tentative d’anéantissement dont il fut l’objet. Cet aspect réducteur de l’idéal sioniste fut essentiellement alimenté chez Camus par la volonté de trouver une issue à la situation calamiteuse des rescapés de l’univers concentrationnaire.
On pourra retrouver http://www.dailymotion.com/video/xe5tmi_albert-camus-a-ses-amis-d-israel_news les fondements du sionisme de Camus dans cet aveu où le futur Prix Nobel de littérature donne la raison de son attachement à l’Etat Juif. Il dira à propos des survivants de la Shoah qui construisirent Israël, « Il serait juste et bon que leurs fils créent la patrie que nous n’avons pas su leur donner »
Pour l’auteur de « La peste » qui exprime les regrets du monde occidental « qui n’a pas su donner » aux Juifs, l’Etat, le sionisme politique est nié à l’avantage d’un sionisme essentiellement caritatif. L’implication politique est d’importance. Elle ne souligne pas le droit au Renouveau National mais invoque le « don, » ignorant qu’une patrie ne se donne pas mais se conquiert.
Il y a dans cette approche du sionisme quelque chose de « Balfourien » dans la mesure où le paternalisme envahissant de la motivation sioniste de Camus conduirait à soutenir la fondation et la protection de l’ « Etat Juif » au nom de la souffrance endurée ! Israël serait le pretium doloris, le salaire de la volonté exterminatrice.
Dans ces conditions, rien ne permet de garantir qu’après la guerre de 67 où Israël entendait démontrer qu’il était devenu un Etat libre et indépendant, Albert Camus aurait privilégié le droit des Juifs, propriétaires de la terre. Pas plus qu’aucun élément permettrait de ne pas affirmer qu’Albert Camus aurait partagé le point de vue généralement en cours, à savoir, qu’un peuple à qui on « donne » sa terre est un peuple qui a des devoirs, dont le premier est l’aveu d’une indépendance limitée.
Quoiqu’il en soit, Albert Camus a, par sa position, en faveur de l’Etat d’Israël, permis à une certaine jeunesse intellectuelle de voir Israël avec un regard sans préjugé, regard que, pour la majorité, elle ne saura maintenir au delà de 1967, année de tous les dévoilements.
PS : Ce volet met un terme, temporaire, assurément, à notre réflexion : « Quand les intellectuels Français étaient sionistes. »