Il est fréquent de déplorer l’absence de chefs providentiels, mais il est parfois salutaire qu’il en soit ainsi, car, le « Chef qui fascine » peut exalter la part la moins noble de l’homme, celle qui échappe à la critique et au jugement et expose à l’aveuglement, transformant en aventure, l’exercice du pouvoir politique.
BEN GOURION, DAYAN, BEGIN, GOLDA MEÏR et bien d’autres, mais le premier surtout, tiennent bonne place parmi les derniers des Mohicans, les ultimes Princes du Merveilleux, les Chevaliers de l’impossible, dont la relation entretenue avec le peuple, relevait précisément de cette part obscure de soi-même, exacerbée jusqu’au paroxysme, cette dimension de la sensibilité et de l’affection, qui, dès lors qu’elle est exaltée, suspend les manifestations de l’esprit critique, de l’analyse objective, transformant l’exalté en véritable automate, admiratif, tétanisé voire anesthésié, face à Celui qui, chéri du destin, a le redoutable pouvoir d’établir un dialogue avec ce qui grandit l’homme à ses propres yeux : la victoire sur l’humiliation !
Les peuples (et les individus !) ont toujours été redevables à ces hommes qui surent les persuader qu’ils étaient plus grands qu’ils ne pensaient, plus utiles qu’ils n’imaginaient. Ces hommes porteurs de charisme sont toujours choyés, parce qu’on n’oublie jamais celles et ceux qui nous permirent d’avoir pour nous-mêmes d’abord, un regard d’affection, laissant au vestiaire les guenilles de la déchéance.
Le risque est grand que ces hommes se laissent entraîner vers la dictature. Hitler aurait-il eu l’opportunité d’être Chancelier du Reich sans les accords de Versailles, qui mirent non seulement l’Allemagne à genoux, mais lui imposèrent une telle humiliation que Clémenceau y vit le germe du conflit à venir ?
6 Iyar 5708, 14 Mai 1948 ! Imagine-t-on, la marque indéfectible, l’empreinte assurée, la joie souveraine de porter en ce jour de la Proclamation d’Indépendance, sur et avec soi les générations passées ? Et cette fierté ignorée, méconnue, tant au mellah, qu’au ghetto ! Ces larmes que, pour la première fois, la tristesse et le malheur n’accompagnaient pas, mais qui coulaient sur ces joues creuses et burinées, le cœur ému et l’âme toute droite, elle qui pendant 2000 ans vivait pliée sous l’insulte.
Cette fierté, inconnue d’Israël, nul Juif ne l’avait jamais ressentie avant que le Prince des déchus le souverain des Errants, l’empereur des bannis, mais prophète d’Israël, devenu Lion de Judas, David Ben Gourion, n’en ramassa les cendres des bûchers pour en faire une couronne de gloire qui eut le mérite d’estomper le souvenir des pogromes, et des humiliations. Oui, ce 6 Iyar, personne n’était en mesure d’entrer en compétition avec la voix assurée du Vieux Lion proclamant à Tel Aviv le Retour d’Israël :
« … EN VERTU DES DROITS NATURELS ET HISTORIQUES DU PEUPLE JUIF, AINSI QUE DE LA RESOLUTION DE L’ASSEMBLEE GENERALE DES NATIONS UNIES, PROCLAMONS LA FONDATION DE L’ETAT JUIF DANS LE PAYS D’ISRAEL, QUI PORTERA LE NOM D’ETAT D’ISRAEL : EN VERTU DES DROITS NATURELS ET HISTORIQUES DU PEUPLE JUIF, AINSI QUE DE LA RESOLUTION DE L’ASSEMBLEE GENERALE DES NATIONS UNIES, PROCLAMONS LA FONDATION DE L’ETAT JUIF DANS LE PAYS D’ISRAEL, QUI PORTERA LE NOM D’ETAT D’ISRAEL. »
Puisse le mérite du peuple juif, lui valoir d’autres Chefs tels que le Vieux Lion et Israël veillera à ne pas « suspendre » l’exercice de sa raison !