Recevant le prix Nobel de Littérature, Albert Camus disait que l’écrivain, le journaliste, étaient investis de la mission la plus noble, à la condition de ne jamais trahir les deux principes qui doivent essentiellement les guider : « le service de la liberté et de la vérité ! »
Je pense à Camus, ce matin, en parcourant les titres de la presse du Net et, je ne peux empêcher ce qu’il me reste de bon sens, de me susurrer avec l’accent de la désapprobation, que l’impact du mensonge, menaçant de se généraliser, est tel, dans cette quasi inflation de nouvelles ou cette hémorragie de flashs contradictoires, qu’on nous prend probablement, plus, pour des oies qu’on gave « de tout et de rien » que pour des auditeurs ou des lecteurs, que d’abord on respecte, parce que nous leur faisons crédit de ce qu’ils devraient considérer, pour bon nombre d’entre eux, avec un respect religieux : notre confiance !
L’important ne semblant pas (ou presque plus) résider dans l’obligation contractuelle de se mettre au service de la liberté, et, surtout pas de la vérité, vertus planes et sans relief , mais de dire et de dire encore, des propos qui contredisent ceux d’hier, parfois les confirment, souvent les démentent, mais jamais ne les expliquent !Aujourd’hui, la référence, le principe qui guide presque tous les commentateurs de l’information sur le Net n’est pas le souci de l’exact, la passion du précis ou la préoccupation du vrai. C’est l’annonce du spectaculaire, la révélation de la fausse confidence et, bien entendu, la connaissance de l’indice de lecture, connaissance qui reste la seule divinité dont on fleurit les autels, parce qu’elle seule motive dans l’apparence de l’effort d’analyse et stimule dans la recherche de « l’impressionnable. »
Dans ces conditions, l’approche est malsaine, car « dire le vrai » n’est plus l’objectif. Evidemment, quelques francs-tireurs sauvent l’honneur et échappent à l’accusation. Eux savent, parce qu’ils l’ont appris, qu’écrire est un métier qui ne s’improvise pas, et qu’on n’envisage pas, parce qu’en classe, on était bon en dissert… »
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur. » disait Beaumarchais. On est très loin aujourd’hui de cet objectif, parce qu’avant de blâmer, on sera invité, chez certains médias, à se demander si le « blâme apporte plus de lecteurs » et non à confirmer que la divulgation du blâme s’impose comme un devoir de conscience.
Le plus difficile, si tant est qu’il soit voulu dans une période de crise, comme celle que nous vivons est probablement, pour bon nombre d’hommes et de femmes appelés à « travailler »
avec l’information, de se mettre à la place du lecteur. C’est pourtant le seul moyen de confirmer l’honnêteté de la conduite et l’impartialité de l’ appréciation.
Et d’ailleurs, aujourd’hui, plus que jamais, il semble que certains prennent intérêt, sinon plaisir à dérouter le lecteur. « N’entend –on pas fréquemment « je ne sais plus où j’ai lu, ou entendu… »
Prend-on la mesure de la confusion, sans laquelle l’information devenant objective, perdrait tout intérêt mercantile pour ces apprentis sorciers du pseudo journalisme, ces manipulateurs de vérités dont la déontologie se confond avec toutes sortes d’intérêt, hormis celui de la « vérité et de la liberté » pour clôturer cette réflexion par ce rappel camusien, qui nous éloigne de la médiocrité que cette réflexion nous a fait côtoyer, juste le temps de la dénoncer.