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Après avoir essayé de montrer que le Judaïsme recouvre une réalité intraduisible en hébreu, parce que le Judaïsme n’étant qu’une approche mutilée de la civilisation hébraïque, impliquant essentiellement les pratiques religieuses, il se réduisait à n’être qu’une invention chrétienne, je vais tenter d’expliquer en quoi cette démarche est schismatique et constitue une hérésie au regard de la loi de Moïse.

La civilisation des Hébreux est d’abord un certain regard porté sur le monde et l’homme. Ce n’est que partiellement un rite, un rituel. Si l’on devait ne retenir que le mot « Judaïsme » pour définir des démarches ou entreprises judaïques, les Juifs auraient une religion. Et sortis de ce cadre réducteur, leur identité « juive » ne serait pas interpelée.

C’est dans le haut Moyen Age, me semble t-il, que l’on commença à utiliser le terme judaïser pour désigner celles et ceux qui pratiquaient le rituel religieux ou rejudaïser pour définir le comportement de celles et ceux qui revenaient aux pratiques mosaïques.

Très vite, le terme devint inusité et Judaïsme s’imposa pour décrire le contenu de la praxis religieuse juive. A propos de ce dernier terme employé, j’ai tenté de montrer lors de ma première analyse que le mot juif, vient de l’hébreu yéoudi qui veut dire « homme de Judée » La plupart des termes désignant l’identité juive renverront à la Judée. Même en hébreu moderne, religion juive qu’on traduit par yaadout, se convertir par léityaed établissent un lien immédiat avec la Judée.

On m’objectera que Judaïsme a gardé la racine yéouda qui implique certes et, conjointement Judée et Juda mais le contenu essentiellement religieux que l’usage a accordé à ces termes, s’écartant de la définition juive de l’identité, renforce plutôt l’idée du rapprochement avec Judas, le traître de l’Evangile. Par ailleurs et quelle que soit la période le terme judaïser a toujours eu, me semble-t-il, une connotation péjorative.

Dès lors, le cadre définissant l’identité hébraïque assimilait essentiellement celle-ci à l’exercice d’une religion, disqualifiée de surcroît, ainsi qu’en atteste la définition du Littré ainsi que les positions arrêtées à ce sujet par les différents conciles.

L’aspect schismatique, réduisant l’identité à une religion apparaîtra sans le bénéfice de la nuance, dès qu’on aura pris en considération que l’absence de pratique repousse simultanément toute prétention à l’identité. Or, l’identité n’oblige pas pour se maintenir à la pratique rituelle, elle contraint, par contre, à se définir comme relevant d’une histoire, c’est-à-dire, d’abord de son support géographique, puis du projet historique qui lui est associé et qui, naturellement implique le concours de la transcendance et qui est la Rédemption universelle.

Et si insolite que cela soit, la réduction du Judaïsme à n’être qu’une religion présente le risque majeur de la perte d’identité car, si l’on reste sourd au Souffle qui nous dépasse, on ne perdra pas seulement « sa religion » mais, en même temps l’identité qui lui est attachée.

Alors que dans l’optique hébraïque, l’identité est maintenue par le nom Yéoudi que l’on gardera sa vie durant, quand bien même la référence au divin s’est interrompue. Aucun mot en hébreu ne recouvrira la définition du Judaïsme, parce que le Judaïsme dans ces conditions n’est qu’une religion.

La civilisation des Hébreux implique nécessairement le divin mais le divin à lui seul, ne constitue pas la culture des Hébreux. De plus, ce résidu d’identité a été disqualifié par la volonté chrétienne, noyé et remplacé par la nouvelle alliance. Ainsi réduit, le Judaïsme est devenu une hérésie. Mais la civilisation des Hébreux est en train de retrouver sa place et sa mission parmi les hommes et les Nations.

On pouvait espérer que Vatican II rétablirait la vérité ! Illusion ! Soutenir que Nostra Aetate a aboli l’ambition chrétienne d’être le seul et vrai Israël, c’est faire dire à cette Déclaration ce qu’elle ne dit pas. On lira, d’ailleurs, dans NOSTRA AETATE : « L’Eglise croit, en effet, que le Christ, notre paix, a réconcilié les Juifs et les Gentils par sa croix et en lui-même, des deux, a fait un seul. »

Que la Croix du Christ ait réconcilié Juifs et gentils reste un point de vue chrétien, indiquant la préséance chrétienne. Et « des deux a fait un seul » suppose que Jésus est le messie attendu. Le point de vue juif est tout autre ! Il y a donc dans Nostra Aetate des avancées indéniables mais, en même temps des crispations farouches.

D’ailleurs, au colloque organisé par les « Relations judéo chrétiennes de Montréal il y a cinq ans pour commémorer Nostra Aetate, (compte rendu 2572) le Dr Gérald Caron devait déclarer  «La deuxième partie de cette conférence considère trois défis, parmi d’autres, que l’Église –: si elle désire vraiment éliminer toute trace d’anti-judaïsme ou d’antisémitisme de son discours – se doit de relever dans les prochaines années. Elle doit d’abord se débarrasser du « supersessionisme » ou de la théologie du remplacement, non seulement dans ses textes, mais aussi et surtout dans sa théologie, y compris sa christologie. »

Quand bien même le Judaïsme est hérétique, au regard des critères hébraïques, ce résidu de Vérité n’a cessé d’être objet de haine durant près de vingt siècles…

Arnold Lagémi     www.parolevolee.com

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