D’évidence, l’antisémitisme ne pose plus débat en Europe.
Son acceptation comme donnée culturelle constante a rompu le lien avec le questionnement dont le principe même était garant d’une possible remise en cause. La lassitude et la honte sur lesquelles se superpose l’irrationnel de toute alliance avec le démon raciste, valident l’interrogation des intellectuels, eux-mêmes, sur l’éventuelle constance d’une « intelligence européenne » dont, il faut bien l’avouer, ne subsiste plus que le souvenir nostalgique.
Tant la politique, la philosophie, l’histoire, que les arts, toutes ont perdu le mordant de leurs ambitions et l’audace de leurs prétentions. L’antisémitisme de Zola, ne sut subsister devant l’imminence de la mobilisation de l’honneur au service de Dreyfus. De Hautecloque, Maréchal de France, devint Leclerc, quand la Collaboration tenta de compromettre l’aristocratie. Etc…A Painlevé, intransigeant de la suprématie européenne, 
succéda Mendès, prophète de la renonciation, préparant le règne de l’auto détermination des peuples, promis par le droit et non plus par le mérite, à la liberté de disposer de leur destin. Perdu le souffle novateur et l’insolence des questions rebelles. Aux cantines culturelles ne sont servies que des proclamations exaltant la dimension du souvenir prenant vie par l’excitation de l’imaginaire et non plus par la fierté de l’action. Entrant dans l’ère des commémorations, la culture Européenne, devenait le cimetière des grandeurs éculées et de l’héroïsme édifié par procuration.
Les projets devenaient objets d’importation. Même la France, ne discerna pas le déshonneur en donnant à sa Révolution Nationale les accents de l’extrémisme nazi, lequel se démarqua de l’insignifiance environnante, en signant d’une main que personne, sinon le diable, ne guida dans la conception et l’écriture de Meïn Kampf. C’est, précisément, l’antisémitisme qui, signera l’acte par lequel, l’Europe mettra genou à terre, ne suscitant plus questionnement ou interrogations. Et nous savons qu’une culture vaut bien plus par ses questions….
En effet, la vision historique n’est plus, la France ne s’explique plus, ne couronne plus ses projets de la « grandeur » de sa vocation. Où est-elle cette France imaginée dans « le fil de l’épée » ? A quand remonte sa réflexion publique sur l’antisémitisme, ses effet, ses causes surtout ? Que ses élites ne soient plus aptes à distinguer le singulier et l’équivoque dans l’absence de réflexion sur l’antisémitisme devenu antisionisme, ou sur l’articulation d’une accusation quant au maintien d’une aversion judaïque tenace et persistante, en dit long sur la lassitude de ces élites…
On n’est plus aux côtés d’Israël. On souligne moins, comme c’était l’usage, l’intérêt « de frontières sûres et reconnues. » L’antisémitisme est à chaque arrêt de bus. On le dit, comme on actionne un exorcisme, conscient qu’on ne peut plus l’endiguer ! On le dénonce mais on ne sait plus le commenter. On a oublié comment lui faire honte parce qu’il fait honte à la France !
Et enfin, tout cela est vrai, parce que si les Juifs ne doivent rien (ou pas grand-chose) à l’Occident, c’est parce que la part d’éternité européenne s’est édifiée sur la tentative de mise à mort du frère aîné. On est là dans l’essentiel. La pensée européenne sait qu’elle ne serait rien sans la prophétie qui a fondé son droit. Les penseurs, les intellectuels connaissent ces évidences mais ils se taisent ! Leur déficit se creuse quand un Juif est insulté. S’ils ont cessé d’argumenter en défendant et d’illustrer en excluant, c’est parce que la leçon édifiante qu’Israël est en train de leur donner, revient à dire que la grandeur d’une nation ne se compte ni se mesure dans ses réserves en devises ou la longueur de ses canons mais par son « courage à dire le vrai » et son aptitude à le réaliser !
