Oui, mais elle peut aussi, guidée et orientée par un maître éclairé contribuer à empêcher d’y sombrer. La pratique des prescriptions ou devoirs religieux, parce qu’elle interpelle pour les corriger, les transformer ou les anéantir, les éléments mêmes, avec lesquels toute personnalité se construit, impose de les bien connaître.
Par exemple, la recherche des moyens permettant de se libérer de l’égoïsme et de ses excès, de la convoitise, de la jalousie etc…sont bien plus déterminants dans la plupart des « conversions » que l’illumination, la méditation ou les découvertes ésotériques de la vie contemplative.
La connaissance de ces tendances, tout comme, elle aidera à mieux comprendre ce que nous devenons, pourrait, par la méconnaissance de son pouvoir, inaugurer ou entretenir, cette autodestruction, que les spécialistes des maladies de l’esprit désignent par « état dépressif. » Car, jalousie, convoitise ou égoïsmes, pour ne citer que ces penchants, n’ont pas pour vocation de rester des « états stationnaires » mais, véritables conquérants, d’inoculer leur « savoir nuire » à toutes les potentialités virtuelles.
Selon le principe confirmé par l’expérience, « On ne devient que ce qu’on est » il est, d’une absolue utilité de savoir reconnaître les orientations de notre nature, afin de jauger de leur implication dans la décision relative à devenir « religieux. »
Ces éléments, véritables critères définissant chaque être humain dans sa relation à lui-même et aux autres, se classent dans une position privilégiée pour la prise en compte des risques dépressifs éventuels, selon que leur concours reste adéquat ou pas, dans le processus motivant la pratique religieuse.
Ces « éléments obscurs, » que je vais tenter de mettre en lumière, véritable carte d’identité des fondations de la personnalité seront toujours en quête des qualités ou vertus, estimées manquantes ou défaillantes. Définissant ce qu’on « est » ils expliqueront le mode opératoire de notre devenir : inclination naturelle ou réaction. Essayons d’y voir plus clair en précisant que la présente réflexion concerne les revirements brutaux et non les comportements religieux établis dès l’enfance dans des familles « pratiquantes.
Le néophyte, dans la plupart des cas, optera pour un changement dont la rigueur sera l’encadrement privilégié. Par exemple, le Chrétien sera séduit par la vie monastique et le Juif par l’orthodoxie. Le choix délibéré pour la fermeté n’est pas gratuit. L’intéressé issu probablement d’un environnement où la licence est la règle, recherchera l’austérité, comme moyen compensatoire dont il sait manquer singulièrement. Il pourra aussi être attiré, séduit exclusivement par l’opposition représentée par le changement radical du cadre de vie.
Dans ces deux cas, représentant la grande majorité de celles et de ceux, qui adoptent le comportement religieux pour antidote de leur « dérèglement, » le risque dépressif pourra concerner nombre d’entre eux, pour la raison suivante : Si certains se complaisent à la proximité du divin, l’exigence d’austérité ne leur paraîtra pas contradictoire ou représenter une concession, voire un compromis.
Mais, pour les autres, objet de la présente réflexion, la référence au « religieux » restera l’essence d’un compromis contradictoire et insupportable. Leurs besoins, leurs manques, portent sur une carence en fermeté essentiellement et non sur une incurie liée à l’exigence divine. La plupart des « gestes religieux » étant réalisés sans la foi pour motivation, s’en suivra un jugement contre eux-mêmes de nature fondamentalement dévalorisant, mettant l’accent sur leur inaptitude, voir leur culpabilité à susciter la croyance ou la foi.
Ils s’estimeront corrompus, voire blasphématoires ou sacrilèges, puisque capables de tromper leur environnement qui jugera, cependant, leur adhésion religieuse ferme et résolue. Ne pouvant ignorer l’absence de conscience religieuse, la certitude de tromper et de se duper, l’emportera sur toute autre considération.
S’en suivra une autocritique qui pourra constituer le facteur déclenchant de l’état dépressif, et contribuer à l’entretenir, tant que durera l’illusion de croire, que l’intérêt pour l’austérité ne peut se dissocier de la discipline religieuse, tout comme la nourriture carnée ne s’accompagne pas forcément du plaisir de tuer !