La prétention hébraïque à l’ « universel », c’est-à-dire, au contenu définissant pour l’humanité, les modalités d’application de l’exclusivité salvatrice de la Thora, ne provoque pas, comme dans les autres révélations, une conséquence fatale de l’utilisation de ce « monopole, » à savoir, une appréciation, une connotation de type raciste. Cette proclamation de « l’exclusif » ne contient pas plus le « rejet des autres, » qu’elle n’établit une hiérarchie, ou une classification des familles humaines, du moins, de leurs traditions, de leurs croyances ou de leurs philosophies. Pourquoi ?
Comment et pourquoi, Israël échappe à cette fatalité, qui eut raison, toutefois, des velléités chrétiennes ? Le désir évangélique de « l’ouverture au monde, » ne peut éviter la cohabitation avec des reliquats païens, condition inévitable de la volonté de « nivellement » qu’impose une « religion pour tous » puisque religion d’Etat. Le refus de Judaïser le monde, du moins, par cette forme brutale qu’est la conversion, explique t-il le refus apparent de « l’ouverture juive » à composer avec d’autres systèmes ou doctrines ?
« Hors de moi, point de salut. » La volonté chrétienne, de donner vie à ce principe fondateur, mit à l’actif de la doctrine nouvelle, la volonté romaine d’hégémonie universelle, et sut, avec une subtile stratégie transformer en projet historique ce qui ne devait rester que « préoccupation spirituelle. » Le Christianisme apparaissait là, plus qu’ailleurs, dans un divorce consommé avec la Tradition Juive qui ignore ces voies affirmées prioritaires.
Sera ainsi « aboli » non seulement le Contrat conclu au Sinaï avec le peuple Juif, mais toute civilisation aux fondements différents ? La donnée essentielle d’une mise à l’écart aussi radicale aura pour conséquence l’inoculation d’un ferment ségrégationniste qui, loin de considérer la différence comme richesse, l’estimera, au contraire, justifiant anathème et bannissement. La différence deviendra une tare. Elle expliquera racisme, antisémitisme, voire antisionisme !
La particularité juive dans l’idée d’être porteur de la Rédemption Universelle, échappe quant à elle, à la tentation d’élimination des autres cultures, puisque, détentrices elles aussi, d’un titre de participation effective à la réussite de l’histoire des hommes.
Aussi, la longue période qui vit la destruction de la nation judéenne et entraîna son exil, jusqu’en 1948, qui en marqua la fin, aurait pu susciter pour ce peuple éparpillé aux quatre coins de la terre, le désir d’amener à lui, les peuples au sein desquels il vivait. Projet légitime d’assouvissement de la vengeance d’avoir été spolié de sa terre et de l’identité nationale que cette possession impliquait.
La littérature rabbinique aurait pu, quant à elle, insister sur la fermeture « des chemins de paradis » à toute autre « entité » que celle issue de la pratique des Mitsvots. L’impossibilité juive de s’asseoir sur le siège honni d’un racisme quelconque est assez évidente à celles et ceux qui sont familiers de ces textes pour y insister davantage. Mais qu’en est-il du sionisme, voire pour une certaine vision du nationalisme ?
Le sionisme religieux ou politique, n’est pas représentatif d’une classification ou d’une hiérarchie, qui à court ou moyen terme, deviendrait l’aveu d’une ségrégation vis à vis d’autres lieux de résidence juive. Il insiste, cependant, sur la nécessité de contribuer par toute forme d’intervention à aider et entretenir la réalité juive devenue nationale, et d’accorder à la Terre d’Israël, le statut de lieu privilégié. Le sionisme ne sous tend aucun racisme Juif ou non Juif, en raison de sa place centrale qu’il occupe dans la civilisation hébraïque.
Tout au plus, pourrait-il confirmer une adéquation plus conforme à l’intérêt du peuple juif, à ceux qui vivent en deçà des frontières, qu’il n’en reconnaîtrait à ceux qui choisissent de vivre au-delà !