Il y a des mépris, voire des haines ethniques qui, poussées dans leurs motivations profondes, atteignent la frontière du sang sans jamais la dépasser. L’antisémitisme ne connaît pas ce sens de « l’infranchissable » ou de « l’indépassable. » Des années durant, il est capable, en se maintenant à l’état latent, de donner l’illusion qu’il n’est plus, alors qu’il ne fait qu’attendre !
Il n’y a pas, me semble-t-il, d’autres peuples qui, inspirés d’un ressentiment portant une telle dimension mortifère, puissent vivre et revivre le « meurtre juif » avec, « autre chose » de plus qu’une conscience très aléatoire du crime, voire une poussée velléitaire qui ne dure que le temps de la vie des témoins. Et encore !
Pourquoi, toutes les formes de l’antisémitisme, débouchent toujours dans le sang ? Que ce sang coule en Orient ou en Occident, ne rajoute ni ne retranche rien à l’universel de la question. Allons plus loin, au risque d’être excessif. Dans l’inconscient des grandes doctrines, (sans évoquer la responsabilité ou le rôle des militants,) que leurs hypothèses, opinions ou préceptes, soient d’essence religieuse ou non, il semble implicitement établi, par une convention tacite que le sang juif se répand plus par le poignard que par le scalpel !
Cette donnée culturelle revêt un caractère identitaire d’une permanence telle, que les historiens, eux-mêmes, atteints par les retombées de cette donnée tragique ont, pour objet de leurs recherches, bien plus l’étude des causes qui, à certaines périodes concourent à la « tranquillité des Juifs, » comme s’il s’agissait de l’exceptionnel, que la compréhension du phénomène qui naît d’une antipathie ou d’un ressentiment pour s’achever, dans le meurtre, le temps d’un répit.
« Verser le sang juif » serait donc l’aboutissement inévitable de l’approche fatale et indissociable d’une identité, la juive, en l’occurrence. Toutes les formes de civilisation, « ont versé le sang juif ». L’Orient musulman a connu les massacres Juifs. Le Christianisme les a inaugurés et les grandes doctrines politiques n’y ont pas échappé. Le communisme illustré par Staline « versera le sang juif » (le meurtre des blouses blanches, entre autres ». Le libéralisme le pratiquera par une complicité active : les alliés refusèrent de bombarder la voie ferrée menant à Auschwitz et ouvrirent les hostilités d’abord, pour protéger leurs intérêts.
L’affaire de l’Exodus, n’est-elle pas la volonté funeste d’associer les rescapés « au versement du sang juif ? » Quant aux Républiques, elles n’échappèrent pas au destin. Vichy sut devancer Berlin pour ne pas faillir : « le sang juif a coulé au pays de Jean Jacques Rousseau ! »
Pourquoi ? Il n’est pas nécessaire se pratiquer théologie ou ésotérisme pour comprendre et admettre que « verser le sang juif » n’est pas qu’une fatalité historique. C’est d’abord, l’aveu terrifiant que la conscience humaine a compris que le sang « principe de vie » implique une donnée expiatoire qui échappe à la raison, parce son appréhension issue des profondeurs irrationnelles, connaît la dimension sacrificielle du sang qui, dans les mains d’Israël deviendra le Korbane (sacrifice protecteur et réparateur) et dans les civilisations, fatalité inexorable qui ne retiendra que la mise en pratique d’un mode opératoire qui, privé de sa source restera l’aveu de la barbarie.
Une seule civilisation ignore l’alliance du « sang juif » qu’il faut répandre, sans fondement rationnel, c’est celle de l’extrême Orient, représentée aujourd’hui par la Chine, qui n’ignore pas le crime gratuit, certes mais que les civilisations orientales et occidentales n’ont pu associer, encore, à l’une des formes pratiques de leur vocation meurtrière, l’infiltration du poison antisémite qui, avec le temps, se dissocierait d’une cause pour être pratiqué ès qualité d’habitude, aux contours fatalement meurtriers: « Verser le sang Juif ! »
L’Antisémitisme ne traduit pas l’antipathie. Il exprime, in fine, la volonté de tuer !