« Anne, ma très chère petite fille »,
Ce soir, ton papy pense beaucoup à toi! Et il doit t’écrire; parce que seul un serment fait à ta mémoire, une promesse conclue sur la souffrance de ton petit corps martyrisé, et ta présence devenue preuve de vérité et obligation d’agir le conduiront à mener à terme son engagement.
Dans ces conditions seulement, ce papy qui n’a pu jouer avec toi qu’en rêve, ce papy qui n’est plus très jeune sait que toi, petite Anne adorée tu revivras par la force que tu lui donneras. Là Papy sait qu’il frappera sans compassion les ennemis d’Israël!
Ses yeux rouges disent sa colère, car ils ne parviennent pas à éloigner l’image de tes frères, enfin certains, qui, moyennant une promesse que le SS ne tiendrait pas, ont accepté les missions infâmes de traître à la Nation Juive! Et bien, ils sont peut être frères mais pas d’Israël, du diable probablement.
Je les ai vus moi aussi, mais je n’étais pas, comme toi, nostalgie de ma vie, amour de ma vie, dans le danger suprême où tu t’es trouvée. Je bavardais avec eux et leur demandai s’ils croyaient en l’amitié des étrangers, des goyms, des non juifs quoi!
Et deux sur le groupe parlèrent, pendant que je pleurais oui, chère Anne, telles des cataractes, mes yeux qui parfois me trahissent, ne pouvaient freiner ce flot que la lumière ciblée sur la porte, les empêchait de voir!
« Les Juifs n’ont que des ennemis! Pitié serait faiblesse! Il faut frapper dès que c’est possible. Je voulais leur dire qu’ils mentaient ! Que si j’étais vivant je le devais à une famille non juive, turque, qui dès l’arrivée des Allemands à Amsterdam, nous offrit à moi et Mamy que les diables envoyèrent à l’enfer le lendemain du jour où toi tu y allais!
Je voulais parler mais ma voix est devenue faible. je me taisais pendant qu’ils poursuivaient leurs vomissements et que moi je me promettais que ce soir je te jurerai que je leur ferai avaler leurs paroles, que celles ci porteuses de haine pour des innocents les étoufferaient et que toi et moi danserions sur leurs carcasses maudites le menuet que maman t’aurait appris si le destin n’avait pris l’option de la danse et de la mort réunies par la complicité de Satan.
Anne ma petite fille adorée, donne la force à ton papy quand il devra éplucher toutes les actions de ces malveillants, car c’est là que Papy sortira ses armes. Depuis que tu es partie, grâce à des hommes de bien, de nombreuses lois permettent de jeter ces malfaiteurs hors de toute influence. J’ai déjà deux jeunes hommes, deux anciens élèves de Papy, te rends tu compte, qui sont prêts à m’aider. Ils sont avocats.
Hier soir l’un d’eux m’a dit me voyant l’air grave, non par la crainte du danger mais au contraire, par la certitude que quelque chose qu’ils ne comprenaient pas, en dehors de toi et moi,interviendrait en me faisant gagner. Ne sachant pas que toi que je ne peux qu’imaginer et dont le départ créa un si grand vide, que c’est toi et rien que toi qui nourrira mon désir de vengeance, de te venger aussi en m’aidant à combler ce vide.
Anne, ma chère Anne, ma chère Petite fille, grâce à toi Papy servira encore à quelque chose. J’allais oublier quand tu me verras hésitant devant le coup à porter, de ta petite voix d’ange dis moi ce que les Juifs murmurent avant le grand saut: « Chéma Israël….. » Tu me donneras alors la force de Samson. Moi, j’aurais bien travaillé avec toi et Mohamed et Izmina les deux Turcs qui m’évitèrent la déportation se diront que les Juifs, sont vraiment des gens biens.
Anne je te promets que la colère de Papy a un sens: les Juifs sont les champions du droit. Aide ton papy à le prouver. Je t’embrasse juqu’à t’étouffer! Ton Papy, dans ce monde, dans l’autre et dans tous les autres. Ton vieux Papy qui commence à rêver à la notre danse quand les méchants trouveront que la terre a bon goût, parce que leur tête y sera plongée et que la nôtre tournée vers le ciel et, le prenant à témoin te dira merci pour la force reçue en souvenir de toi!