Il est étonnant de constater que les agnostiques s’enferment plus souvent que les croyants dans des tours d’ivoire intérieures, comme si l’athéisme menait vers ces zones interdites où la reconnaissance d’un seul élément chez l’adversaire ou le contradicteur, réduisait à néant son propre idéal.
J’ai eu la chance de rencontrer récemment à Paris, l’un des plus grands spécialistes francophones de la psychologie des profondeurs. Présenté à lui sous la qualité excessive d’anti freudien radical, le Maître estimant que ma seule présence était signe de belligérance, ne tarda-t-il pas à attaquer sans attendre de prétexte. La première salve fut redoutable, du moins au début.
« Vous prétendez accorder un privilège à la moralité comme support incontournable des relations humaines et, en même temps vous ruinez votre idéal en soutenant que si la vérité mène parfois au triomphe de la mort, il faut lui préférer le mensonge ! » Commencé sous des auspices qui m’assuraient d’un échec cuisant, je m’étonnai jusqu’à craindre le piège qu’un des plus grands spécialistes des « faces cachées » amorça par l’âpreté de la contradiction un premier questionnement qui exposait à une faiblesse dont je sus profiter sans détour.
« La vie est la suprême valeur, pas la vérité ! Car si la vérité n’a pas fait allégeance à la vie, toutes ses approches resteront des malentendus. Dire la vérité, c’est avoir l’assurance que celui qui la reçoit est prêt pour cette réception. Sinon, il faudra alléger le vrai pour renforcer l’ancrage du vital. C’est dans cette vision prioritaire et éminente du vivant qu’il faut chercher l’exceptionnelle opportunité de l’insistance, par laquelle les Maîtres de la Tradition Juive soulignent que si un danger menace le vital, ne pas suspendre le « discours de vérité » par « l’action qui sauve » c’est juger que l’homme a été donné à la Loi, alors que c’est le contraire qui est vérité.