Dans une interview accordée au Figaro le 1/4, Gilles Bernheim, Grand Rabbin de France, sortant de la réserve habituelle attachée à sa fonction, a tenu des propos sans nuance à l’égard du Front National : « Menace pour les valeurs de la République, les valeurs du Judaïsme sont étrangères à ce qu’est viscéralement le FN. La peur de l’autre et de l’étranger » procèdent « de valeurs contraires au Judaïsme ». Quant aux affirmations de Marine Le Pen, prenant ses distances avec les déclarations de son père à propos de la Shoah et d’Auschwitz, le Grand Rabbin de France a estimé qu’ « elles ne suffisent pas. »
Tout d’abord, on observera que Gilles Bernheim a crée un précédent dans la traditionnelle retenue des chefs du Judaïsme français, faîte de prudence et de « neutralité » officielle au regard de la vie politique et de ses chefs. Sans préjuger de ses informations sur le sujet, il paraît patent que son intervention, qu’on la soutienne ou non signifie que le FN est en mesure de remporter les prochaines échéances électorales.
Plusieurs hypothèses entrent en scène pour expliquer ce geste qui ne manque pas d’audace. Le plus évident serait de soutenir que le Grand Rabbin de France « sait » la dangerosité du FN. Si cela était, il fonderait son opinion sur des données autres que celles dont disposent les électeurs…Dans ce cas, il n’en a pas assez dit ! Il doit compléter.
Autre hypothèse ; il ne croit pas que Marinne Le Pen est sincère quand elle se démarque de son père. S’il fonde son jugement sur sa propre appréciation, c’est franchement insuffisant car Marinne Le Pen peut être sincère, et elle peut avoir changé effectivement. Si son appréciation s’établit sur d’autres références, il doit les citer !
Quelle que soit l’hypothèse retenue, le Grand Rabbin de France, en sortant de sa réserve ajoute à sa fonction celle de « leader politique » et de plus, amorce un processus dangereux où la Communauté juive de France se trouve indirectement impliquée dans le débat politique.
Quoiqu’il en soit, il ne peut s’en tenir là pour de nombreuses raisons dont la plus essentielle réside dans l’obligation qui lui incombe d’expliquer et de motiver de manière plus ample et plus précise les raisons détaillées qui l’ont conduit à jeter l’anathème sur un parti politique dont il n’est pas exclu qu’il tienne prochainement un rôle majeur dans le gouvernement de la France. S’il a estimé devoir s’engager dans le débat politique, il doit assumer sa décision jusque dans ses prolongements les plus imprévus ! Laisser son appréciation en l’état ne serait ni sérieux ni conforme aux intérêts des Juifs de France.