Stéphane n’avait aucun des « signes forts » qui posent la conviction de la vocation. Irritable par nature et intraitable par faiblesse, la propension au dialogue paraissait tout aussi éloignée de ses façons de faire que le serait la fraternité pour un aristocrate.
Il semblait, au contraire, désigné pour s’intégrer à la cohorte des formateurs, bien plus qu’à celle des éducateurs. Et, quand je le rencontrais, je ne pus refreiner l’appréhension à lui confier une classe, tant je percevais que sa rigueur excessive génèrerait une inévitable incompatibilité. Je découvris, au fil du temps, qu’il demandait à être estimé sur d’autres critères que l’apparence illusoire de l’impression.
D’abord, par la connaissance intuitive de l’échec scolaire, facilitant cette « proximité » avec la « victime » et qui ne trompe pas l’œil averti. Pour toute réplique à la dévastation de l’échec, il entraînait l’élève en préliminaires moqueurs vers le recours à la dérision. Savoir amener l’élève à ôter tout crédit à une manière de faire qui privilégie fermeture à ouverture. C’est ce qu’il fit. Le tout, en s’abstenant de discours moralisateur, de sentences lapidaires, devenant exemplarité sans s’en rendre compte.
Seul moyen de délégitimer la prétention au jugement, voir à la disqualification il avait pour règle première de persuade l’ado que le « prof » qui condamne est lui-même condamnable car un enseignant qui juge se fourvoie !
Il avait importé d’une scolarité plutôt marginale les attestations d’une sensibilité qui ne pouvait faire place au compromis ou à la concession. D’où la volonté de provocation pour extirper tout ce qui lui restait de vengeance à assouvir !
Je le désigne par un prénom usuel quasi anonyme Non pas que Stéphane ne soit pas le « bon » mais il me paraît opportun d’entretenir l’équivoque, car j’ai la certitude orgueilleuse d’être le père de nombreux « Stéphanes » ! Et, pouvoir l’identifier, c’est réduire. C’est nuancer le rêve : Mais Stéphane, prof de Maths occupe une place, et quelle place, dans ce qui fut la « gloire de ma vie ! »
Celui-ci a su s’imposer et prendre place parmi les pionniers !
Comblé pour avoir fait naître une vocation, j’ai un mot à lui dire : « Merci ! »
Que dire à.mon père spirituel…
Merci