Une réflexion sur CHAVOUOT.
Immédiatement après Pessah la Tradition impose de « compter le temps » qui sépare Pessah de Chavouot ; moment ultime où la Loi fut promulguée. Après Pessah, en effet, est avancée une période où l’homme est confronté à l’épreuve du sens de la liberté offerte récemment par la libération d’Egypte. Si celle-ci est un acquis précieux, elle n’a de sens que, par rapport à l’usage qui en est fait. En soi, la liberté ne vaut que par rapport à ce qui la signifie, voire à ce qui la dépasse, parce que dans la hiérarchie des objectifs prioritaires l’homme est bien plus préoccupé de donner un sens à sa vie que d’œuvrer pour une liberté concédée à la naissance sous forme d’un droit !
L’article I de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ne contredit pas ce point d’ancrage par lequel la Tradition Juive affirme que c’est la Providence qui a « libéré » d’Egypte. En effet, affirmant le préalable « Les hommes naissent libres et égaux en droit, » cette naissance imposée et présentée comme acquise dès la naissance fait silence sur le processus qui lui a donné le jour, laissant croire que la liberté est acquise gratuitement, dès la naissance, alors qu’elle est reconquise chaque année à la célébration de Pessah.
Le partage de la liberté soutient, implicitement que celle-ci est d’essence indéfinie ou divine parce que si l’homme aspire à son bénéfice il n’est pas capable de la définir et de désigner les moyens de la conquérir. L’article I de la Déclaration des Droits de l’homme est hymne de reconnaissance et de justification de la dette pascale !
Dans cette approche, les Juifs sont conscients de l’importance de l’étape libertaire mais ils ne sauraient s’en satisfaire sans déterminer les raisons de ce don.
La liberté, pourquoi faire ? « Le compte de l’Omer » répond à cette question qui formulée en catégorie existentielle pourrait se dire : « Qui donne sens à Pessah sinon la Loi ? »
Cette question impose qu’on saisisse l’inanité de la seule liberté qui ne prend son sens qu’en « comptant le temps » (supputation de l’Omer) qui sépare du Don de la Loi par lequel la liberté prendra tout son sens. Heureux d’être libre, certes, mais à condition de savoir pour quel usage !
La liberté sans la loi c’est la proclamation de l’Absurde. On ne célèbre pas le fait d’être libre, on célèbre « Pourquoi être libre ? » La différence du questionnement implique que l’on sait les enjeux ! Prendre en charge le compte qui sépare Pessah de Chavouot, c’est affirmer notre souci que la libération fêtée à Pessah n’a de sens qu’à l’acceptation de la Loi.
Définir, par exemple, après deux mille ans de civilisation par l’impératif de « liberté » l’idéal de la République n’est-ce pas confondre les préliminaires de l’idéal avec son corpus ? Ou observer, qu’en Occident les tâtonnements de la pensée sont définis comme Ethique, alors « qu’ailleurs » ils ne sont que préliminaires dépassés !