Flux pour
Articles
Commentaires

Cartes de voeux pour Pourim

Il n’est pas nécessaire d’être disciple de Freud ou de Lacan pour conclure que se déguiser traduit une volonté de dissimulation, le désir de se cacher derrière une identité usurpée.

Mais pourquoi spécialement à Pourim, a-t-on l’habitude de se déguiser? Cette tendance à la dissimulation n’est-elle pas réelle les autres jours, tous les autres jours ? La mésestime de soi n’est-elle pas souvent accompagnée du désir de fuite, c’est-à-dire de la volonté de ne pas apparaître tel qu’on est ?

Alors que d’une manière générale, la dissimulation est prohibée, elle est permise, voire recommandée à Pourim.

C’est donc dans le rappel sur le sens de Pourim que, peut être, on y verra plus clair.

D’abord, on observera que dans cette histoire, Il y a un Grand Absent. Oui, D.ieu n’est pas mentionné une seule fois dans l’histoire d’Esther. Et pourtant, il est enseigné, à propos de Pourim : Ester, astir panaï : Je cacherai mon visage. Tout se passe comme si, dans ce récit, l’absence apparente ne s’identifiait pas à l’indifférence. De plus, les acteurs de l’histoire dissimulent mal le destin qui les porte, laissant croire à une liberté de manœuvre, comme s’ils étaient maîtres et artisans du cours de leur vie.

La Providence intervenant dans le destin des hommes est toujours déguisée. « Heureux, bienheureux, celui qui sait reconnaître un masque d’un vrai visage » Dès lors que cet enseignement est pris au sérieux, l’attention au monde est plus soutenue, accordant plus de considération à des incidents, mineurs en soi mais indicateurs de fatalités souvent inéluctables ou d’ouvertures inespérées.

Le Haham (le maître, l’érudit) est souvent désigné par l’expression « roé ète à nolad », celui qui comprend le sens des évènements. C’est-à-dire, le haham est celui qui a appris à démasquer, les hommes et les évènements. Car les étapes de l’histoire d’un homme ou de l’humanité sont souvent revêtues d’artifices.

Vous avez remarqué que votre attitude a tendance à être différente quand vous portez un déguisement. En vous masquant à Pourim ou en déguisant vos enfants, vous introduisez de manière subtile une mise en garde essentielle : tu n’es pas ce que tu parais.

Jouer avec les artifices compromet l’authenticité, altère la vérité. Pourtant à Pourim, on est invité à ressentir physiquement et directement à quel point, on peut se voiler la face, se masquer le visage et le corps, sans pour autant cesser d’être.

D’abord enseignement pour nous-mêmes, le déguisement nous invite aussi à la capacité de distinguer dans les évènements et les hommes, toute réalité, toute initiative de la Providence qui, comme à Pourim se dissimule. ESTER : je cacherai !

Il y a des présences qui ne sont jamais aussi lourdes que lorsque, précisément, elles donnent l’illusion de l’absence. Cette vérité est vraie pour le Maître du monde. Elle ne l’est pas moins pour certains êtres qui n’ont pas besoin de parler pour être porteurs de vérité.

Je ne résiste pas à l’envie de vous raconter une histoire hassidique. Un jeune talmudiste visite un grand maître pour l’interroger sur une question qui le préoccupe. Le serviteur du Maître dit à l’étudiant que le Maître prenait son repas et qu’il ne fallait pas l’interrompre.

Il l’invite donc à s’assoir face au Maître qui poursuivait son repas. L’étudiant regardait, fixait le vieux Rav, épiant chacun de ses gestes avec une concentration très soutenue. Puis le repas s’acheva. Le rav récita les bénédictions d’usage, toujours sous le regard pesant de l’étudiant. Puis il parla : « Que puis-je pour toi mon fils ? » L’étudiant se leva et balbutia, gêné :

« Rien, Rabbi, pardonne-moi. Rien !» Il sortit, se mit à courir et fit répandre la rumeur que le Rabbi faisait des miracles en…mangeant.

Il y a des actes qui, lorsqu’ils sont accomplis sans masque, sans artifice, sont porteurs d’une telle sérénité que celle-ci rejaillit sous forme d’apaisement chez tous ceux qui en sont témoins et ce qui était problème sous un masque ne l’est plus, si nous avons la chance et le mérite d’être… démasqués.

Vous avez, peut être observé que certains êtres ne sont apparus dans votre vie que pour vous révéler soit un aspect de vous même ou de la vie dont vous saviez l’existence mais dont n’imaginiez pas qu’il vous concernait. Parfois, ils reviennent à votre mémoire sous la forme d’un mot, mais ce mot qui a arraché votre masque a ouvert des cataractes d’eau vivifiantes.

Je vous souhaite, en cette veille de Pourim le Mazal (la chance) de rencontrer de nombreux arracheurs de masques et de vous persuader que, vous aussi, pouvez être briseurs de masques pour quelqu’un qui attend d’être persuadé qu’il « vaut bien plus que ce qu’il croit être. » Dans cette attente,

HAG SAMEAH

Laisser un commentaire