A PROPOS DE LA REHABILITATION DES EVÊQUES INTEGRISTES
La récente décision pontificale visant à la réhabilitation de quatre évêques intégristes (dont l’un va même jusqu’à nier la Shoah !) semble contredire, voire désavouer, la démarche par laquelle vous avez demandé en 1997 le pardon des Juifs pour la complicité de l’Eglise dans les crimes commis au cours de l’histoire et, notamment, durant la seconde guerre mondiale.
En effet, la levée de l’excommunication d’un évêque révisionniste ne peut manquer d’assombrir la portée de votre demande en la limitant à une initiative personnelle sans incidence sur la position officielle de l’Eglise catholique.
Cette grâce papale confirme, en dépit de toutes les sympathiques tentatives de rapprochement engagées par divers courants de la chrétienté, la volonté tenace du Saint-Siège de ne pas rompre avec une tradition pour le moins réservée à l’égard des Juifs, attitude que votre repentance condamne précisément pour ses effets dévastateurs. Mais si les évêques sont acteurs de l’Histoire de l’Eglise, le grand ordonnateur reste le souverain pontife…
Votre propos, au-delà du pardon, ne fait pas de détour pour aller à l’essentiel et débusquer les causes de l’aversion antisémite, posant ainsi le vrai problème, à savoir, l’implication de la doctrine chrétienne dans la naissance du processus haineux ayant mené à la Shoah. Vous proclamez :
>« L’Eglise a généré la haine des Juifs… »
Et vous ajoutez :
« Nous avons en particulier à nous interroger sur les origines religieuses de cet aveuglement. Quelle fut l’influence de l’antijudaïsme séculaire ? »
« Au jugement des historiens, c’est un fait bien attesté que, pendant des siècles, a prévalu dans le peuple chrétien, jusqu’au Concile Vatican II, (1) une tradition d’anti-judaïsme marquant à des niveaux divers la doctrine et l’enseignement chrétiens, la théologie et l’apologétique, la prédication et la liturgie. Sur ce terreau a fleuri la plante vénéneuse de la haine des Juifs. De là un lourd héritage aux conséquences difficiles à effacer ».
Il faut saluer votre audace car vous invitez, dans cette remise en question, l’Eglise et, indirectement, sa hiérarchie jusqu’à son pontife, disposant seul du pouvoir d’engager l’église, pour ce qui touche à la foi, la doctrine ou la morale, le dogme de l’infaillibilité pontificale situant le pape au-delà des limites de la condition humaine.
Or, loin de s’engager à vos côtés dans la recherche et l’éradication des causes de l’antisémitisme le saint-siège choisit une voie qui renforce les aspects de l’Eglise que vous réprouvez.
Somme toute, votre repentance engage bien plus votre condition de Chrétiens, voire d’hommes épris de justice, qu’elle ne présume de la position officielle de l’Eglise romaine.
Il faut bien admettre, qu’au-delà de la démarche, vous avez pris là un parti bien courageux, celui de la reconnaissance de la faute, de l’aveu du crime ; bref, vous avez amorcé un processus riche de promesses et d’espoirs.
L’AVEU DE LA FAUTE OBLIGE A LA REPARATION !
Mais, il y manque le détail de vos intentions, de vos décisions permettant d’endiguer les affres d’un fléau toujours malfaisant, d’extirper à sa source le démon de la haine des Juifs.
Bref, vous avez négligé d’initier au grand nettoyage théologique, pourtant, origine souveraine du contentieux, selon votre confession et vous n’abordez pas le projet réparateur pour les torts endurés.
Ce ne serait pas faire preuve d’estime et de reconnaissance envers votre bonne volonté que de ne pas vous avouer, dans ces conditions, la crainte que votre démarche tout en restant heureuse et salvatrice dans sa forme, ne garde, en fait, qu’une valeur conjoncturelle, restrictive, voire anecdotique.
Votre discours nous réconforte, nous amène à vous considérer d’un œil plus fraternel mais, en vérité, votre propos ne change en rien la sauvegarde d’une doctrine qui fonde sa légitimité sur l’éloignement, la disparition ou la mort d’Israël es qualité de Peuple Elu.
Vous avez apaisé, en les caressant, les plaies encore vives de la haine millénaire mais vous n’avez pas dépassé le stade des préliminaires…
Certes, la partie est rude. L’enjeu est de taille et les risques lourds de conséquences.
DEFENDRE LE SIONISME SERAIT UN SIGNE REPARATEUR.
Comment en effet, pourriez vous condamner l’aversion pour les Juifs proclamée par Augustin, évêque d’Hippone, resté toujours Saint par ailleurs, ou les décisions des Pères de l’Eglise jetant l’anathème sur la religion juive sans remettre en question les bases mêmes de votre foi, essentiellement liée à la Tradition d’Israël mais dans un rapport de concurrence vitale exclusivement.
Du point de vue de la cohérence théologique votre relation avec les Juifs reste marquée d’une inexorable fatalité dans la mesure où remplaçant l’espérance juive par la Croix, vous ne pouvez éviter de condamner « l’aveuglement de la synagogue ». Bref, si vous mettiez un terme à l’anti-judaïsme doctrinal, ne saperiez vous pas, les bases mêmes de votre croyance ?
En 1997, pour donner corps à votre pardon, vous invitiez l’Eglise à s’interroger sur les origines religieuses de l’antisémitisme.
Si vous estimez devoir accompagner cette interrogation par des comportements réparateurs, indissociables d’un pardon authentique, comblez notre attente séculaire de vous voir accomplir des gestes inspirés par la volonté de corriger de fatales et sanglantes erreurs.
Des Chrétiens connurent les tourments parce qu’ils tendirent, au nom de l’Evangile, une main fraternelle aux Juifs dans l’épreuve. Ils confondirent peut être la voix de leur conscience avec celle du Ciel mais ils restent l’honneur de l’Eglise et leur souvenir béni accompagne notre requête.
Vous aideriez ainsi à démontrer que la Déclaration de Repentance n’est pas que compassion pour les malheurs d’Israël, que le questionnement de l’Eglise qu’elle appelle vivement est susceptible de permettre une approche de votre foi et de votre doctrine dans une perspective résolument déterminée à réparer les préjudices subis.
Encourager et défendre le sionisme, rédempteur de la condition juive, démontrerait, par exemple, que le retour d’Israël dans l’histoire n’est pas incompatible avec votre Foi et constituerait un signe hautement réparateur.
Alors et alors seulement pourra s’amorcer un dialogue authentique entre les familles juives et chrétiennes sans pour autant tordre le coup à la justice.
Et la misérable réhabilitation des évêques intégristes s’égarera dans le reniement et la caricature.