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La tradition juive soutient que la prophétie n’a pas complètement disparu. Des reliquats subsistent,  puisque elle a laissé un peu d’elle-même chez les  « fous » et chez les parents, au moment où ils choisissent un prénom pour leur enfant. Pour les parents, quand bien même, l’irrationnel est omni présent au moment de ce choix, et que toute tentative pour le nier, serait naïveté, l’attirance pour tel type de prénom ou pour tel autre peut s’expliquer par diverses raisons dont la mode ou la célébrité de certains porteurs.

                                     !                                                                                                                                                                  

Cependant, il s’agit d’une première réponse, c’est-à-dire d’un premier niveau d’approche. Vous avez remarqué, peut-être, dans votre propre famille, que, dès lors,  qu’un des deux parents lance un prénom destiné à nommer  l’enfant et que l’autre acquiesce, la décision est presque toujours silencieuse, sans justificatif ou motif que le parent initiateur  se sentirait obligé de fournir.

 Nommer, reste une démarche provenant de la plus lointaine intériorité de l’être  qu’on ne parvient pas à définir, encore moins à expliquer,  mais pour laquelle on ressent l’impérieuse certitude qu’elle doit être effective. Nommer est un privilège royal. Derrière chaque prénom, se tient un projet d’homme ou de femme qui s’impose à nous,  bien plus qu’il ne se proposerait à notre choix.  Demandez aux parents, «  pourquoi tel prénom ? » Presque toujours, la réponse sera : « Parce que ça nous plaisait, parce que c’est joli ! » On sent bien qu’il y a autre chose, parce qu’on ne prénomme pas un enfant « parce que c’est joli ! »  

Pour les fous, le principe conducteur relèverait  de la même procédure. Essayons dans  un premier temps de distinguer les points de convergence entre ces deux groupes.  Pour les parents, en nuançant tout de même, il semblerait qu’au moment où le prénom qui recevra l’assentiment   du père et de la mère est prononcé, l’appréhension psychologique de la réalité soit émoussée.

 Comme s’ils imaginaient l’enfant adulte qu’on appellerait par ce prénom précisément, les parents témoignent qu’ils vivent moins dans le présent qu’ils ne  pressentent l’avenir. Si on est loin de la prophétie, on est très proche d’une bien singulière intuition !

Pour les fous, disons « les simples en esprit »  c’est, peut-être, plus élémentaire, plus… abordable. Une des grandes caractéristiques des maladies mentales, c’est que les « souffrants »  vivent plus dans leur monde que dans le nôtre. Ils sont souvent étrangers chez eux et les signes qu’ils transmettent viennent de leur monde intérieur perturbé.  On pourrait dire, que les fous ont, par rapport à la réalité, un recul d’une amplitude considérable qui amène souvent à dire, les concernant : « ça y est, il (ou elle) n’est plus là. Il est dans sa bulle ! Le malade prend ses distances avec la réalité, notre réalité !

 Aussi, notre dimension lui étant étrangère, il la voit comme un visiteur.  Celui qui  est  impliqué dans la réalité, pense que ses estimations sont objectives, et elles le sont souvent. Mais celui qui est dans sa bulle vit une expérience bien singulière. Souvent, il exprime une panique, ou bien une joie débordante, brutalement, sans motif apparent. « Il est fou » diront d’autres fous. Il est « malade » diront les compatissants.

 Mais, l’histoire des hommes étant le récit des joies et des peines, certains Maîtres de la Tradition disent que ces hommes et ses femmes ressentent avec acuité les constantes de la condition humaine sans passer par les inévitables moyens d’expression conventionnels.  Avec anticipation ? Est-ce là ce reliquat de l’esprit prophétique ?

En composant « l’éloge de la folie 1509 » Erasme ne tentait-il pas de réhabiliter cet état d’âme ?

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