Chez certains de nos amis chrétiens tout se passe comme si les conclusions de Vatican II n’avaient pas seulement permis de laver les Juifs du crime de déicides.
Elles ont aussi, insidieusement, distillé au sein du peuple chrétien le ferment de l’oubli de l’histoire, en partie sanglante, des relations judéo chrétiennes.
La querelle s’éteint et quiconque veut rouvrir le livre des supplices devra répondre de sa rancune, voire de sa haine et de son bellicisme.
Mais que cela gêne ou non, selon que l’on se réclame des lumières du bon pape Jean (XXIII) ou d’une vision plus traditionaliste, l’histoire des relations avec les Juifs est, en grande partie avilissante pour la religion de …l’Amour et la tentation est grande pour certains de méconnaître cette histoire afin d’aider à masquer la survenue de sentiments inconfortables voire insupportables parmi lesquels la honte et le sentiment douloureux d’avoir failli.
L’Eglise n’ayant jamais vraiment réparé les crimes qu’elle a perpétrés ou suscités, les Juifs restent réservés sur la sincérité de ses regrets et considèrent que le devoir de mémoire, comme l’on dit aujourd’hui, oblige à laisser ouverte et lisible la chronique des tourments infligés à Israël.
Cette tendance à l’amnésie devient si puissante que certains témoignages d’amitié, voire d’affection (dont nous sommes l’objet) émanant d’amis chrétiens se détournent de la confirmation d’amitié dont ils constituaient le but initial pour se transformer insidieusement en une sorte de rapports cordiaux où l’on traiterait d’égal à égal. On évite le sujet litigieux devenu presque tabou comme dans certaines familles on s’abstient de réveiller des plaies non cicatrisées par l’évocation d’êtres ou de situations ayant laissé des souvenirs de souffrance.
Nous observons, par exemple, que certains prétendent que l’Eglise n’a jamais été antisémite, qu’elle aurait toujours reconnu à Israël un droit sur la terre promise, qu’il faut se rappeler que Jésus, Marie et les apôtres étaient Juifs, que, certes, il y aurait eu des initiatives regrettables mais qu’elles ne sauraient, pour autant, entamer la considération accordée aux Juifs et, couronnant l’ensemble, l’affirmation extravagante (au regard de la théologie) que l’Election d’Israël reste valide !
Dans les colloques judéo-chrétiens, entre thé et petits fours, pas feutrés et grands sourires, les accolades et embrassades donnent à ces rencontres des airs de fête, de retrouvailles, même si chacun fait semblant et le sait !
Comme il serait bien, beau et grand que cela soit vrai !
Le rêve ne devient réalité que sous certaines conditions. Ces ambitions ne résistent pas longtemps à la confrontation avec les données factuelles
Ce n’est pas parce qu’un pape, si grand soit-il, demande le pardon que le pardon est accordé ! Le pardon n’est possible que si la preuve est apportée que l’orientation doctrinale qui avait encadré le crime est définitivement éloignée. Il faut en convenir : on est loin du but !
Je me rappelle avec émotion des paroles que m’avait confiées, à voix basse et le regard mouillé, le Père Abbé du monastère de Notre Dame de l’Atlas en Algérie (TIBARINE) où sept moines furent massacrés par des islamistes : « Puissions nous trouver le chemin de vérité et d’épreuves qui nous fera mériter le pardon d’Israël ! »
La grandeur, l’héroïsme de certains chrétiens n’entraînent pas, pour autant, vers la gloire la doctrine qu’ils professent ! Et si j’ai eu la chance de rencontrer certains d’entre eux, parmi les moines cisterciens et les Pères de la Compagnie de Jésus (jésuites) je dois apporter témoignage de cette vérité, à mes frères surtout, que les chrétiens ne sauraient être confondus avec l’Eglise et le pontife romain.
Quand à ceux qui rêvent l’histoire et nient la réalité tragique qui encadra nos relations avec la chrétienté qu’ils nous parlent de cette Eglise, quand elle détenait le pouvoir séculier et qu’elle brûlait les Juifs avec leurs livres, qu’ils nous disent où ils étaient, ces donneurs de leçons, ces prêtres, ces prélats qui, aujourd’hui déclarent qu’Israël est toujours l’Elu quand Louis IX, dit St Louis massacrait les fils d’Israël ? Ignorait-il que le salut vient des Juifs ? Et les Inquisiteurs reconnurent-ils aux Juifs un droit sur la terre promise ?
Amis, combattez cette tendance à déformer la vérité pour la rendre digeste. Rappelez vous Pascal : « Il faut aimer la vérité, car à moins de l’aimer vraiment, on ne saurait la connaître. »
Assumez votre histoire, même si son poids vous brise les reins. Dans votre intérêt, que je sais sincère, pour la survie d’Israël, saisissez la torche de vérité, quand bien même votre main brûlerait et, gardez les yeux bien ouverts quand vous éclairerez les chemins de honte et d’infamie que vos pères empruntèrent quand ils répandirent le sang d’Israël. Prenant ainsi la mesure de notre destin, vous comprendrez pourquoi, par exemple, nous ne pardonnerons pas au pape l’affaire de l’évêque négationniste ou à ses représentants de ne pas avoir montré récemment à Genève leur réprobation au discours antisémite du président iranien.
Alors et alors seulement, ne limitant pas votre demande de pardon à des paroles, vous l’accompagnerez d’une présence fraternelle et solidaire à nos côtés ; vous vous rapprocherez de l’Etat d’Israël que vous aiderez de toute votre puissance. Mais depuis longtemps votre passivité a dissipé nos illusions.
Certains se rappellent le mot fameux de Malraux à propos de la puissance libératrice de l’action : « L’homme est d’abord ce qu’il FAIT !
Vous avez parlé et reparlé de pardon, mais vous avez peu fait pour l’obtenir. Maintenant, FAITES…vite !
Arnold Lagémi