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Si nous avons la faiblesse ou l’ingénuité de tendre l’oreille et de prêter le flanc aux menaces diverses qui, tant en France qu’en Israël, inquiètent, voire tourmentent les juifs, un spectacle digne de l’Enfer de Dante donnerait les tableaux suivants |
qui alimenteraient cette anxiété endémique qui, désormais, atteint et singularise un nombre croissant d’individus.
En France :
Les Français devraient se tenir prêts à une invasion islamique sans précédent dans l’histoire, les conquérants ayant mis le cimeterre au cimetière, afin de privilégier les alternatives offertes par la démocratie.
L’extrême droite aurait pris la bretelle menant à l’autoroute du Pouvoir, perspective qui ne susciterait pas plus d’enthousiasme chez les Juifs que chez les Arabes.
Le terrorisme devrait, sous peu, frapper le pays avec une attention soutenue pour les bâtiments illustres.
La Communauté de Juive de France compterait parmi ses dirigeants des hommes inconscients des dangers réels et menaçants et une fraction non négligeable de ses élites serait acquise à des thèses qui compromettraient la sécurité d’Israël et des Juifs Français.
En Israël, l’enfer cèderait le pas à toutes les formes possibles d’apocalypse. Des menaces syriennes aux ultimatums du Hamas ou des intimidations du Hezbollah aux bravades iraniennes, le tout pimenté par les difficultés liées à la politique intérieure, le maintien de l’Etat d’Israël serait à considérer comme un miracle permanent, ce qui, d’ailleurs, ne serait pas si éloigné de la réalité. C’est l’ancien Président Weizmann qui disait « En Israël, ne pas croire aux miracles, c’est ne pas être réaliste. »
De plus, tant en France qu’en Israël, et, sous prétexte qu’on n’a pas su voir venir la Shoah, tout devient motif non à l’information objective mais à la projection de pulsions alarmistes qui entretiennent la peur et risquent de transformer celle-ci en panique avant la tétanisation, étape ultime du sentiment d’impuissance.
Il n’y a pas de domaine, me semble t-il, qui échappe à la contagion. Deux bateaux iraniens traversent le canal de Suez, que des observateurs avisés notent l’arrivée d’un navire de guerre US, tout en ajoutant une précision qui brille par sa stupidité, comme s’il pouvait en être autrement, « mais Tsahal est prête à toute éventualité. » Quelques sirènes retentissent dans le pays, suite à un dysfonctionnement que des esprits perspicaces subodorent un danger réel qu’on a voulu cacher. Si les analyses pessimistes déjà réalisées sur le niveau d’eau du Kinnéret étaient sérieuses, les Israéliens seraient déjà… morts de soif !
Tout cela ne veut pas dire qu’il faut répondre aux problèmes posés en devenant apathique. Rester vigilant, lucide et réaliste est souvent garant du maintien de la vie.
Mais systématiser la lorgnette de l’exagération, privilégier le danger à l’apaisement, n’envisager que les conclusions négatives, portent un préjudice sérieux à l’équilibre de celles et ceux qui en sont victimes. D’abord, cette façon de faire, amène tout un chacun à donner son avis sur ce qu’il ignore. D’autre part, voir le monde qui nous environne sous le prisme exclusif du négatif, conduit souvent au laisser faire, pour justifier la justesse de son analyse. Certes les perspectives d’avenir sont lourdes de menaces. Est-ce une raison pour y ajouter ses propres fantasmes ?
Rien ne va bien ! Et ce qui nous attend sera pire ! Comment vivre ainsi ? A qui profite ce défaitisme ? Israël, les Juifs ont l’habitude de ces prophètes de malheur dont les prédictions nous annonçaient un complément indéterminé, mais à notre désavantage, des douze plaies qui frappèrent Pharaon et son peuple.
Deux règles s’imposent pour tenter de pallier ces carences du jugement. Avant de donner son avis, s’assurer comme disait Léon Blum « qu’on a le dossier, » c’est-à-dire qu’on sait de quoi on parle. Et, dès lors qu’on donne son appréciation sur quoi que ce soit, vérifier qu’on a pris les moyens d’éviter, le pire des pièges, la généralisation.
Le nazisme fut allemand mais il y eut une résistance allemande. Pétain n’occulte pas de Gaulle. L’Eglise ne fut pas favorable aux Juifs mais Pie XII sauva des Juifs. La Révolution française commit des crimes mais elle proclama les Droits de l’Homme et émancipa les Juifs. Etc…etc…etc…
Car, sous prétexte qu’on a le droit de penser librement, on court le risque de penser faussement.
